Deux Malonnois au bout du bout du monde
On reste ainsi pendant 3 heures et puis, retour vers le bras NW pour le mouillage de la nuit :
Position : : l. 54° 46' S g. 069° 41' W
Un condor survole l'endroit…et le soir, séance de lavage des cheveux ?! La méthode est originale : dans un pulvérisateur de jardin, vous mélangez de l'eau chauffée sur le gaz et de l'eau à 0°, le tuyau est raccordé à un pommeau de douche…il fait un peu exigu, mais ça marche ; c'est formidable…on se sent bien. "

12ème jour : jeudi 1er avril : FJORD PIA-ESTERO FOUQUE (bras SW canal Beagle)
44 miles

" A 9h. , on ramène l'ancre, on rentre les haussières frappées à terre : ça nous prend une heure à chaque fois…et en route.
Direction Nord pour aller visiter le glacier du bras W du fjord Pia . Tout au fond, on découvre 3 glaciers : pour moi, c'est le plus bel endroit !
C'est un paysage à couper le souffle : on est littéralement " engloutis " par l'ambiance qui se dégage . Aujourd'hui, le glacier le plus W est d'une grande activité. Il est très large et fait au moins 60 m. de hauteur ; surtout dans la partie centrale ; il est d'un bleu presque fluorescent, couleur qu'on ne trouve nulle part ailleurs.
Face au glacier, on prend le maté, le vent est N et il fait 11°. Ici, quand le baro descend, il fait beau et quand le vent vient du N, il fait chaud !
Bref, il n'y a pas de règles et encore moins de prévisions.
Ensuite, nous arrivons à l'endroit où le fjord Pia rejoint le canal Beagle et nous mettons le cap à l'W : en effet, compte tenu de la météo et du temps disponible qu'il nous reste, notre souhait a été réalisé et nous pouvons rentrer par le Brazzo Sudoeste et ainsi découvrir des endroits très peu visités ; c'est aussi intéressant pour notre capitaine car cela ne fera que la 2ème fois qu'il y passe.
A 14 h., nous nous engageons vers le sud entre l'île Gordon et les îles Thomson et Delta, à l'ouest se trouve la baie de Cook, porte de l'océan pacifique.
C'est à ce niveau là que nous bifurquons vers l'est pour longer l'ile Hoste. Pendant quelques temps, nous sommes accompagnés par des dauphins ; il fait beau soleil.
Nous arrivons au mouillage Estero Fouque qui se trouve à l'entrée du fjord ; il est 19h.
Position : : l. 55° 05' S g. 069° 33' W
Ce soir, pleine lune : elle brille à vous éblouir éclairant ainsi le glacier et les cimes enneigées :
Soirée romantique à souhait…on se risque à prendre des photos avec 3 secondes de temps de pose : le résultat n'est pas mal… "


13ème jour : vendredi 2 avril : ESTERO FOUQUE - CHEZ EUGENIO : 35 miles

" Cette nuit, il y a eu un sacré coup de vent mais il n'a pas duré longtemps. Nous partons à 9h. : le but est d'aller chez Eugenio et de lui porter quelques provisions… j'y reviendrai plus tard…
Donc, nous quittons notre mouillage et un peu plus à l'E, nous allons visiter l' Estero Penhoat : c'est une découverte pour notre capitaine car il n'y est jamais allé…nous non plus d'ailleurs !
Comme le temps est calme, on en profite pour découvrir à l'aise ce beau petit fjord où les mouillages ne manquent pas ; on y trouve même des anneaux fixés dans la roche, des chaînes et des marquages laissés là par des pêcheurs…Bref, très intéressante cette analyse du coin en étudiant chaque possibilité de mouillage, les avantages, les inconvénients… "
Un peu plus loin, se trouve un autre petit mouillage dans une baie sympa. Il y a des arbres pour s'attacher et un fond de 7-8 m. ; belles balades possibles à terre en montagne mais avec des pentes douces…
Dans ce fjord, on observe beaucoup d'animaux : loutres de mer, otaries, hérons, albatros, petrels géants, escuas, carancas, canards-vapeur (qui ne volent pas mais se déplacent rapidement sur l'eau en faisant " tourner " les ailes…marrant à voir !
" Nous arrivons chez Eugenio à 18 h. et mouillage dans la petite baie près de sa maison.
Nous entrons dans sa maison de bois et de tôle : accueil sympathique et maté pour tout le monde.
Popof ramène les produits dont ils ont besoin : essence, cigarettes, des produits frais tels que des pommes, des tomates, des patates et des oranges. Et puis la famille nous propose de manger chez eux : sans hésiter, nous acceptons et retournons au bateau chercher la viande et le vin…nous mettons tous la main à la pâte. Au menu, centollas, bœuf mijoté. Après un moment, il règne une chaleur de diable dans la pièce car le feu est sollicité à plein régime. Eugenio vit là avec sa charmante épouse et son fils de 20 ans, au nord de l'ile Hoste, dans sa petite ferme avec quelques vaches et quelques moutons : il se déplace à cheval. Ce sont les seuls habitants et ils vivent en complète autarcie.
Le mobilier se compose d'un canapé d'un âge certain, d'un buffet fabriqué au bagne d'Ushuaia
( qui rappelons-le, n'a été fermé qu'en 1947), la VHF et un poste radio alimentés par des batteries de voiture, d'une télévision qui ne capte que TV Ushuaia : ils peuvent donc connaître les nouvelles d' Argentine et non du Chili, leur pays.
Eugenio nous fait visiter sa serre. Il a fait pousser quelques plants de tomates : c'est plein d'orgueil qu'il nous montre sa récolte : il y a en tout et pour tout 4 petites tomates rouges : ce fut un sacré évènement : nous avions sous les yeux les tomates les plus sud du monde !
Il n'y a que Popof et Thierry qui parlent espagnol mais on arrive à se faire comprendre avec quelques gestes et beaucoup de sourires et de gaieté : nous passons ainsi une soirée empreinte d'amitié , en toute simplicité.
Grand luxe, en notre honneur, on a allumé 2 ampoules électriques suspendues au-dessus de nous et alimentées par un générateur qui fait un boucan terrible. Tout à coup, on entend crachoter le générateur et puis, plus de lumière , laissant ainsi la place au silence ! Eugenio et son fils quittent la pièce, des torches à la main, et ils remettent un peu d'essence dans le maudit générateur et c'est reparti : nous voici à nouveau éclairés. (pendant la panne, on branche une petite lampe de secours à une batterie de voiture : tout est donc bien organisé).
Pour la vaisselle, nous utilisons l'eau de la rivière qui est de couleur brune, à cause de la région tourbeuse ; de plus, la rivière a un faible débit car, en amont, il y a les castors qui bouchent tout avec leurs barrages.
Cette belle soirée se termine, on se dit au revoir, on prend la photo de famille et on rejoint notre bateau avec l'annexe : un dur moment compte-tenu de l'obscurité complète et du vin qu'on a bu. "

14ème jour : samedi 3 avril. EUGENIO - PUERTO WILLIAMS (35 miles)

" Cette nuit, il a neigé, les montagnes sont splendides. Nous levons l'ancre à 9h30 et reprenons notre navigation vers l'est tout en rencontrant des oiseaux tels le pétrel plongeur de Magellan, la mouette de patagonie, le pétrel tempête.
Le temps est beau, T° 8° et soleil avec un vent de W-SW 25 Kn et des pointes à 30 Kn.
Nous naviguons au portant avec le foc 70 %, tangonné , et grand-voile 3 ris : nous atteignons ainsi une vitesse de 7,5 nœuds, le bateau marche bien.
Nous rencontrons d'autres oiseux : huitriers au bec rouge, le goëland (Gaviota cocinera) et nous admirons un vol d'ibis (Bandurria Baya) et puis, c'est l'automne : en quelques jours, les arbres ont changé de couleur et ont viré au rouge cardinal colorant ainsi les montagnes de façon surprenante : imaginez, le sommet est blanc et plus bas, c'est rouge !
Nous arrivons à Puerto Williams : il est 16 h. "


15ème jour : dimanche 4 avril. PUERTO WILLIAMS - USHUAIA. (25 miles)

" Quand on se trouvait chez Eugenio, il suffisait de traverser le canal de Beagle et parcourir seulement 14 miles pour Ushuaia; ce serait trop facile ! C'est sans compter sur l'armée et les postes de frontière !!!
Il a donc fallu retourner à Puerto Williams pour les formalités et puis revenir sur nos pas. Il faut se souvenir que quand nous sommes rentrés au Chili le 1er jour, nous avons fait les formalités de passeport à Puerto Williams et donc, pour ressortir du Chili, il faut nécessairement y repasser et cette fois, effectuer les démarches de sortie et permettre de rentrer en Argentine.
Pour l'anecdote, la frontière entre le Chili et l'Argentine se situe au milieu du canal de Beagle là où les sondes sont les plus profondes (environ 155 m. dans cette zone).
La complexité des formalités administratives fait que , aujourd'hui, les bateaux de croisière ont tendance à se baser à P.Williams au lieu de Ushuaia ; il y a aussi le problème des taxes imposées à ces bateaux ; les relations Argentine - Chili sont loin d'être au beau fixe !
Sous un soleil radieux et un temps calme, nous repartons donc en Argentine. Il a quand même fallu encaisser un coup de vent éclair juste avant Ushuaia : le contraire nous aurait étonnés !
Nous voici donc rentrés " au bercail ", les yeux, les oreilles, nos mémoires débordants de merveilleux souvenirs.
C'est le mardi que nous débarquons : nous quittons Kekilistrion et notre ami Popof avec un gros pincement au cœur . "

Malonne Première remercie Jacqueline et Michel Haedens pour avoir permis de partager leurs aventures et émotions.