Marche Saint-Berthuin

Certains s'indignent parfois de ce réveil forcé. C'est qu'ils ne sont pas encore rentrés dans "la tradition". La "bonne vieille tradition" voudrait d'ailleurs que ce soit dès cinq heures que la batterie locale, sous la houlette du tambour-major, parcourt le village pour l'appel des marcheurs … C'est ainsi dans l'entre-Sambre-et-Meuse. Car nous sommes loin d'être les seuls à perpétuer, ici et là, la marche procession annuelle. Si le grand Livre des Marches de l'entre-Sambre-et-Meuse était à écrire, on noterait qu'en 2002 les marches les plus célèbres: Sainte-Rolende (Gerpinnes) et Saint-Roch (Thuin) couvrent le même week-end que celle de Saint-Berthuin (Malonne). Ceci explique d'ailleurs que l'après-midi de la Pentecôte, plusieurs compagnies présentes le matin à Malonne se sont "ménagées" pour leur prestation du lundi. Néanmoins, les Zouaves de Franière, les Canaris de Namur, les Turcos de Floreffe, la Compagnie des États Belgique Unis, les Grenadiers suisses et les Grenadiers de la jeune garde de Le Roux / Malonne-Reumontjoie et bien entendu les Zouaves de Malonne ont accompagné la statue reliquaire de saint Mutien ainsi que le buste et la châsse de saint Berthuin, dans un premier trajet dont le point d'aboutissement est la stèle, à l'embouchure du Landoir, lieu symbolique d'accostage de saint Berthuin dans notre pays ... enfin son pays, puisque c'est à lui que nous devons le premier développement de Malonne.
La Marche Saint-Berthuin, pour "traditionnelle" qu'elle soit, n'en reste pas moins assez locale… Relativement peu de visiteurs étrangers à Malonne attendent le long d'un trajet pourtant long de 13 km; et où s'égrainent comme ailleurs, dépôts de gerbes, bataillons au carré, salves d'honneur et feu de file en fin de journée. Le marcheur s'étonne encore, mais moins qu'avant, de la relative indifférence de la population malonnoise au passage de ces troupes inhabituelles sur son territoire. Terre liégeoise en Namurois, Malonne n'en est pas moins aussi "pointe Est" de l'entre-Sambre-et-Meuse et nous devons être fier d'avoir pu maintenir ici, comme ailleurs, la tradition de la marche-procession.
Pourtant, les néo-malonnois, dont la jeunesse s'est déroulée tantôt en Ardennes, tantôt en bord de Meuse, tantôt autour de la capitale bruxelloise, se disent parfois étonnés de voir ainsi défiler à travers les campagnes, compagnies napoléoniennes et reliquaires religieux. Mais qu'est-ce qui les fait donc marcher ?
Marcher, c'est le mouvement, c'est la vie… Marcher, c'est aller vers l'autre, mais aussi le quitter… Marcher, c'est partir ailleurs… Marcher, c'est encore échanger avec les autres, avec ceux qui marchent ou avec ceux que l'on rencontre sur la route… Marcher c'est manifester, ici, son attachement à quelques valeurs partagées (amitié, humilité, entraide, intériorité, ...) et identifiées par la vie exemplaire de saints personnages… que l'on transporte symboliquement pour se rappeler, qu'ils ont ouvert le chemin avant nous.
Si les processions d'antan ont belle et bien disparu, la marche procession de l'entre-Sambre-et-Meuse, elle, s'est maintenue. Ne nous y trompons pas, ici comme ailleurs dans la région, la marche est d'abord être celle des gens. Celle des Malonnois. Les troupes sont là de tradition, pour la protection des pèlerins. Merci donc à tous ceux et toutes celles qui ont accompagné, ne fut-ce que 100 mètres. Nous aurons fait un bout de route ensemble ! Merci à ceux qui ont pavoisé, arborant drapeaux et bannières ou décorant simplement, adorablement parfois, de quelques fleurs leur seuil de porte ou de fenêtre, ou la chapelle du quartier qui se trouvait sur le trajet. Merci encore à tous ceux qui se sont rassemblés autour des marcheurs en fin d'après-midi dans la cour d'honneur de l'Institut. Et…, à l'an prochain… ? Il n'y a rien à craindre, malgré les quelques centaines de coups de fusil tirés ... en l'honneur - oui en l'honneur - des Malonnois passés, présents et à venir !

Daniel Rousselet