Les jeunes et l'alcool

 

Manque de publicité ? Probablement pas… Outre la publicité interne à Saint-Berthuin même, cette conférence avait notamment fait l'objet de nombreuses affiches, ainsi que d'un communiqué et d'un article de présentation en nos colonnes. Les organisateurs pouvaient-ils faire plus ? Difficilement… Alors ? Bien sûr, toutes et tous, nous sommes sollicités par des activités en surnombre, nos agendas débordent et il nous faut bien faire des choix. Alors - mais c'est une interprétation toute personnelle - on laisse de côté non pas nécessairement ce qui semble inintéressant, mais en tout cas ce qui ne semble que très peu nous concerner. Et il en va probablement ainsi du problème de l'alcoolisme. Il est vrai que c'est un problème très peu médiatisé - sinon en ce qui concerne la sécurité routière. Mais si l'on s'en tient aux campagnes de sécurité routière, le problème de l'alcoolisme est facile à résoudre : il suffit de désigner un Bob… Ce serait malheureusement trop simple… L'alcoolisme pose avant tout un problème crucial - de vie ou de mort en fait : 7 cirrhosés sur 10 en meurent ! - à ceux qui en souffrent, ainsi qu'à leur entourage. Alors, pourquoi notre société s'obstine-t-elle à occulter ce problème ? Il y sans doute trop d'intérêts économiques en jeu, et surtout, dans notre société, l'alcool est un facteur de socialisation très important.
Pourtant, l'alcoolisme est une maladie terrible : Daniel Schepers, l'orateur invité, l'a exposé de manière particulière-ment prenante, lui qui, ayant commencé à boire à l'âge de 9 ans, a connu toutes les étapes d'une longue descente aux enfers - jusqu'à une semaine de coma éthylique ! - entrecoupée de nombreuses cures de désintoxication…
M. Schepers distingue en fait cinq étapes dans l'alcoolisme :
1. La phase d'apprentissage ou de plaisir, qui commence dès la première gorgée de boisson alcoolisée. Petit à pe-tit, le corps développe un certain nombre de mécanismes pour accepter l'alcool.
2. La phase d'accoutumance : on augmente progressivement les doses pour continuer à avoir des sensations.
3. La phase du " grand buveur " : on " prend régulièrement des cuites " ; les lendemains de veille sont doulou-reux, mais on éprouve toujours du plaisir à boire.
4. La phase de souffrance : on expérimente l'état de manque. On est devenu alcoolique : le grand buveur est ma-lade quand il boit ; l'alcoolique est malade quand il ne boit pas.
5. La phase de déchéance, de solitude destructrice, qui se termine souvent par la mort.
Pour être à même de lutter contre l'alcoolisme, il faut connaître les raisons qui poussent à prendre le premier verre. El-les sont nombreuses, mais peuvent être regroupées en trois grandes catégories :
1. Pour faire comme les autres, pour ne pas être rejeté par le groupe.
2. Pour faire autrement que les autres, afin de se mettre en valeur, de se montrer leader d'un groupe.
3. Pour braver l'interdit.
Soyons honnêtes : qui parmi nous n'a jamais touché un verre d'alcool ? Nous nous situons donc tous quelque part sur l'échelle des 5 étapes dont nous parlions plus haut. Alors, comment se fait-il que la plupart d'entre nous s'arrêtent à la deuxième ou la troisième étape ? Nous disions tantôt que l'alcoolisme est une maladie (maintenant reconnue comme telle par le corps médical), mais nous pourrions aller plus loin et dire que l'alcoolisme est une maladie de la communi-cation, une maladie de la relation avec son entourage : le plus souvent, l'alcool est un refuge, un moyen de fuite.
Cette constatation posée, on voit dans quelle direction doit tendre tout essai de prévention auprès de nos jeunes : un ren-forcement de tout ce qui peut contribuer à une meilleure communication et à donner au jeune confiance en lui. Il serait en tout cas vain de vouloir lutter au moyen d'interdictions : n'oublions pas que braver l'interdit constitue un des mo-teurs des premiers verres.
Et quand il est trop tard pour faire de la prévention, que faire ? Il y a plusieurs formes de thérapie, mais en moyenne - ne nous égarons pas dans une vaine querelle de chiffres - lorsque le pourcentage de réussite dépasse les 5 %, les res-ponsables sont ravis ! Il faut notamment voir la cause des nombreuses rechutes dans le fait que l'alcoolique est un fai-ble, qui doit apprendre à affronter les problèmes et à savoir dire non. Or, dans une société comme la nôtre, qui donne parfois l'impression de tourner autour de l'alcool, c'est difficile, car dire NON à un verre de bière ou à un apéritif de-mande à être justifié (Tu n'es pas bien ?), alors qu'un oui n'appelle aucune justification…
Par ailleurs, ce que M. Schepers recommande : ne rien faire… En effet, le plus souvent, par ses bonnes intentions, l'entourage d'un alcoolique a tendance à renforcer l'alcoolisme en soustrayant l'alcoolique à ses responsabilités : on devient en quelque sorte responsable de l'alcoolisme par surprotection.
Si l'assistance n'était guère nombreuse, la soirée fut toutefois une pleine réussite : M. Schepers fut passionnant à écou-ter, tant du point de vue de son vécu (qui touchait notre émotion) que du point de vue informatif (qui touchait notre rai-son). Grand merci à lui, tant pour le courage de son témoignage que pour son engagement de prévention auprès de jeunes.

Michel Vause