On a un petit lopin de terre bien exposé et bien drainé, si
possible bien pentu. On a décidé d'y planter la vigne car
l'analyse de sol s'est révélée favorable à cette
culture. On s'est renseigné sur les cépages potentiellement
productifs sous nos climats ; ce sont ceux qui démarrent leur cycle
végétatif assez tard et qui maturent assez tôt. Il faut
faire un premier choix : hybrides (plus résistants aux maladies mais
aux vins jugés " moins fins " dans leur jeunesse) ou viniféras
(cépages classiques). On a trouvé un vigneron pouvant faire
des boutures (francs de pied- on n'a pas connu le phylloxéra chez
nous) ou mieux, on s'est acheté des plants greffés dans une
pépinière viticole et les porte-greffes on été
choisis en fonction de la nature du sol et du taux de calcaire actif qu'il
contient. La plantation a été faite dans les règles
de l'art en avril-mai : un fer de bêche carré et un de profondeur
; les racines ont été étalées sur un mélange
de tourbe, de terreau et de terre arable, le trou a été comblé
et le sol damé autour de la future vigne, et des tuteurs de soutien
ont été plantés. La distance minimale de plantation
est de 1m20 entre rang et de 1m40 entre pieds par exemple, ce qui déterminera
le nombre de pieds à acheter au vu de la superficie que l'on peut
consacrer à la culture.
En mars de l'année suivante, les pieds seront taillés à
hauteur de genou en laissant deux yeux seulement en dessous de la coupe
et en éborgnant la partie sous ceux-ci. Cela permettra à
la vigne de construire ses canaux d'amenée de sève et de
garantir sa pérennité à longue échéance.
Les piquets intermédiaires et de bout de rang seront plantés
et un fil de support sera tendu à 65 où 75 cm du sol grâce
à des tendeurs selon le type de taille de production qui sera choisi.
Les pousses seront attachées à ce fil lors de cette seconde
année. Un second et un troisième rang de fil seront tendus
à 35cm du précédent afin de palisser la vigne les
années suivantes.
Il existe plusieurs types de taille de la vigne, mais les plus utilisées
sont le cordon Royat donnant une branche charpentière de chaque
côté du tronc et la Guyot simple ou double donnant du raisin
chaque année sur du bois nouveau. Chacune a ses avantages et ses
inconvénients : la première est plus simple et la seconde
est plus gélive mais aussi plus productive. Le principe est cependant
toujours le même : le raisin se développe sur du bois de
l'année poussant sur du bois de l'année précédente
qui a été taillé à deux yeux.
Cette taille de production sera effectuée en mars de la troisième
année et donnera déjà quelques grappes cette année
là. Ces raisins seront généralement très acides
et leur vinification ne donnera pas de bons résultats. Pour le
bon développement de la vigne, il vaut mieux, d'ailleurs, supprimer
ces grappes et ne pas être trop pressé.
La taille doit être rigoureuse, car une vigne pas ou mal taillée
ne donnera pas de raisin et dégénèrera en "
vigne vierge ".
Dès que les bois fructifères poussent, il faut palisser
la vigne de manière à l'aider à supporter le poids
des grappes. Généralement, il viendra deux grappes par sarment
productif. Dès ce moment, habituellement début juin, les
sarments seront pincés à deux feuilles au dessus de la seconde
grappe et les aisselles des feuilles seront débarrassées
des gourmands qui s'y développeront, sauf celui qui viendra à
l'aisselle de la dernière feuille, lequel sera pincé à
deux feuilles et ainsi de suite jusqu'à la fin de la végétation
active de la vigne, laquelle se consacrera alors exclusivement à
la maturation du raisin. Nous serons alors aux environs du 20-25 août.
Il y aura ainsi, au dessus de la deuxième grappe suffisamment de
feuilles pour assurer la photosynthèse, c'est-à-dire la
transformation des acides du raisin en sucres sous l'action de la chlorophylle.
Des traitements réguliers seront effectués afin de lutter
contre le mildiou et l'oïdium. Ces deux maladies, amenées
des USA (mildiou - 1878 & oïdium - 1846) sont redoutables pour
le raisin et peuvent détruire complètement une récolte.
Ainsi, sous l'action de l'oïdium, la production vinicole en France
était passée de 45 millions d'hectolitres en 1850 à
10 millions seulement en1854. De nombreux vignerons avaient été
ruinés en moins de 5 ans.
Le phylloxéra, autre cadeau empoisonné des USA (dans le
Gard en 1864 suite à une expérimentation) par contre, est
causé par un petit insecte qui se loge dans les canaux de sève
des racines et détruit la vigne inexorablement. Le vignoble français
a d'ailleurs été décimé par cet insecte et
sa reconstruction qui a été le fruit de nombreuses recherches
quant à la parade, a coûté plus de 1800 milliards
de francs or de l'époque aux vignerons. Certains vignobles de ce
temps n'ont d'ailleurs pas encore été reconstruits. Cette
parade a débouché sur la recherche des porte-greffes et
le greffage de viniféras sur des pieds américains non sujets
à la maladie.
Le débourrement, c'est-à-dire l'ouverture des bourgeons
ayant lieu en avril, il faut espérer qu'aucune gelée tardive
ne vienne détruire ceux-ci ; la récolte serait alors irrémédiablement
perdue. C'est une des raisons qui me poussent à tailler la vigne
assez tard vers la fin mars. A ce moment, comme la sève est montante,
la taille va occasionner un écoulement important de celle-ci.
La vigne pleure !
Cette sève ne s'accumulera pas dans les bourgeons et la sortie
des grappes sera retardée.
La floraison en fin juin donne une indication quant à la date approximative
des vendanges. Il faut en effet compter 100 jours entre les deux, en espérant
qu'il ne fasse pas trop froid et qu'il n'y ait pas trop de pluie durant
cette période. Ces accidents climatiques sur la pollinisation entraînent
le millerandage et la coulure. Les grappes sont parsemées plus
ou moins fortement de raisins restant verts, car incomplètement
fécondés et dont il faudra se débarrasser car amenant
de l'acidité, de l'amertume et de la verdeur au moût.
Les grappes vont ensuite évoluer vers la maturité et les
grains vont se colorer. C'est la véraison. Il faut alors recouvrir
le vignoble de filets anti-oiseaux, car une nuée de merles ou d'étourneaux
peut détruire totalement la récolte en quelques minutes.
A partir de la mi-véraison, il faut enlever les feuilles qui se
trouvent en dessous de la première grappe car elles ne servent
plus à rien. Les feuilles qui ombrent les grappes côté
soleil sont également enlevées pour augmenter l'exposition
du raisin. On constate parfois des écarts de 2° d'alcool entre
les grains exposés au soleil et ceux qui le sont moins.
Espérons qu'il n'y aura pas trop de guêpes, ni pluies violentes,
ni grêle, car les grains peuvent se fendre ou éclater car
trop gorgés d'eau. C'est alors la porte ouverte à un champignon
: le Botrytis cinerea . La pourriture grise s'installe rapidement et la
récolte est détruite en peu de temps.
Paradoxalement, c'est ce même champignon qui, sur du raisin mûr
et mis dans des conditions favorables, c'est-à-dire des alternances
de brouillards nocturnes suivis de réchauffements rapides et importants
durant la journée, amènera la pourriture brune ou noble,
donnant dans la vallée du Cérons entre autre, les grands
vins liquoreux de Sauternes. Ce champignon qui se nourrit de l'eau du
raisin, va concentrer son jus en sucre et donner ces breuvages particulièrement
succulents, très concentrés en alcool, avec des sucres résiduels
importants, vieillissant bien et s'alliant de manière remarquable
avec le foie gras par exemple. Le même phénomène peut
se rencontrer en Alsace aussi et faire le bonheur des vignerons qui pourront
alors nous offrir un Riesling ou un Gewurztraminer en vendanges tardives
ou en grains nobles. Mais hélas, ce n'est pas pour la Belgique
quoique
j'ai eu le privilège de pouvoir déguster un Pinot gris vendanges
tardives et produit dans la région liégeoise.
Mais revenons à notre véraison !
Les grappes maturent de plus en plus et il est procédé à
une mesure de la densité du jus au réfractomètre
ou au densimètre. Celle-ci est indicative de la teneur en sucre
et donc du degré d'alcool potentiel ; il faut en effet 17 gr de
sucre par litre de jus pour faire 1 degré d'alcool (ou 1% volume).
Il faut donc en moyenne 205 gr de sucre par litre pour faire un vin à
12%volume, ce qui fait une densité de 1089 ou 89° Oeschlé.
Son acidité est mesurée au réactif bleu de bromothymol.
En effet, tout au long de l'évolution de la maturité, la
teneur en sucre augmente parallèlement à la diminution de
l'acidité. La photosynthèse crée le sucre dans les
feuilles le jour et ce dernier descend dans les baies la nuit. Sans feuilles
sur la vigne, le raisin n'arriverait jamais à maturité !
Le rapport sucre/acide donne l'indice de maturité du raisin et
lorsque celui-ci se stabilise, les vendanges peuvent débuter.
Laisser aller trop loin peut inverser le processus et
- sans sucre suffisant, la teneur en alcool sera médiocre et le
vin ne se conservera pas
- sans suffisamment d'acide, le vin sera plat et imbuvable.
Le choix de la date des vendanges doit donc être judicieux, mais
est aussi dépendant des conditions climatiques.
Les grappes rentrant au chai ne devant pas être trop mouillées
sous peine de diluer le sucre, ni trop chaudes sous peine de démarrer
une fermentation avant l'heure ou un " échauffement "
de la vendange.
Donc les grappes sont cueillies et rentrées dans le chai.
Se pose alors la question de savoir quel vin on veut faire, par exemple
selon l'état sanitaire de la vendange. Supposons une vendange saine
à 100%.
Veux-t-on du vin blanc, du rosé ou du rouge ? Dans ce dernier type,
souhaite-t-on un vin souple en cuvaison courte ou un vin de garde, charnu,
puissant, en cuvaison longue.
Il faut savoir que le raisin blanc ne permettra que du vin blanc. Par
contre le raisin rouge
- s'il est à jus rouge (teinturier) ne fera que du vin rouge ou
rosé assez profond (clairet p.ex.)
- s'il est à jus blanc, permettra aussi bien du vin
blanc que rosé ou rouge.
*NB : Nous n'envisageons pas ici la production de vins effervescents
ni de primeurs (Beaujolais nouveau) par macération sous gaz carbonique.
Le raisin blanc est éraflé (arrachage des grains et séparation
d'avec la rafle) et foulé (déchiqueté) dans le fouloir-érafloir
et le moût obtenu est désinfecté au sulfite. Les baies
sont parfois laissées quelques heures au contact du jus (macération
pelliculaire). La masse passe alors au pressoir et le jus obtenu est mis
durant 24 heures dans une cuve de débourbage où les "
boues " se déposent au fond de la cuve. Une mesure de la densité
sera effectuée de façon à voir si le vin devra être
chaptalisé (addition de sucre de façon à augmenter
le degré d'alcool et une mesure d'acidité qui devra être
ajustée vers 6-7 gr d'acide tartrique par litre, soit,
- si trop forte par addition de carbonate calcique (craie)
- si trop faible par ajout d'acide tartrique ou de baies vertes (verjus)
qui se sont établies trop tard et donc non maturées.
Le jus est alors décanté et placé en cuve de fermentation
à 18-20°C. Cette température, idéale pour la
fermentation alcoolique des vins blancs permet de retirer du raisin tous
ses arômes fruités ou floraux. Un pied de cuve ou des levures
sélectionnées sont introduites dans la cuve et celle-ci
est fermée et mise sous barboteur (bouchon permettant le passage
des gaz de l'intérieur vers l'extérieur mais pas l'inverse).
La fermentation démarre alors en dégageant du gaz carbonique,
ce qui justifie la présence du barboteur ; les levures se nourrissent
des sucres et le résidu est l'alcool. Comme disait feu un ami hongrois
avec son accent chantant et rugueux du Danube " L'alcool, c'est le
'pipi' des bactériums ".
L'évolution de la fermentation est contrôlée plusieurs
fois par jour par la mesure de la température et de la densité
qui diminue avec la transformation des sucres en alcool. La température
de la cuve a aussi tendance à augmenter car la réaction
interne est exothermique et peut réchauffer le vin et provoquer
un arrêt de la fermentation avec destruction des levures. Cette
dernière peut se produire au dessus de 30°C au en dessous de
13°C.
Si l'on veut un vin sec, on laisse aller la fermentation à son
terme, jusqu'à une densité inférieure à 1000.
Elle ne descendra pas plus bas car tous les sucres sont transformés.
Si l'on souhaite un vin moins sec, on arrête la fermentation à
1010 par exemple en refroidissant très fort le vin et en le sulfitant
légèrement. Les levures sont détruites de cette manière
et le vin ne court pas le risque de refermenter en bouteille au prochain
printemps, il reste dans le vin une certaine quantité de sucres
résiduels non dégradés.
Le vin sera ensuite soutiré et retiré de ses lies.
Le vin blanc est alors terminé, mais il faut encore le clarifier.
Cette opération est précédée d'une stabilisation
à la bentonite (argile colloïdale spéciale-silicate
d'aluminium-provenant du gisement américain de Fort Benton et à
électricité statique négative). Elle flocule et précipite
les 'voltigeurs' du vin et a un effet intéressant sur la casse
oxydasique (madérisation) et sur la casse protéique. Le
vin est alors soutiré et la clarification se fait en y introduisant
du lait écrémé par exemple, puis après un
nouveau soutirage, le vin est fortement refroidi afin de faire précipiter
les cristaux de bitartrates de potasse, phénomène naturel
normal, toujours désagréables dans un vin blanc en particulier.
Il est placé à une température très basse
(-10°C p.ex.). Aucun danger pour le vin, car son point de congélation
est égal à son degré d'alcool.
Un vin de 12 % volume supportera parfaitement une température de
- 12°C. L'hiver rigoureux est le bienvenu à ce moment.
Si l'on décide de faire ne filtration celle-ce sera réalisée
sous pression grâce à une pompe filtrante sur des filtres
ad hoc.
Le vin blanc est capricieux et il doit être tenu au maximum à
l'abri de l'air, car comme tout vin, il peut capter une quantité
non négligeable d'oxygène. Il s'oxyde donc très vite
et peut madériser ou faire une piqûre acétique (vinaigre),
ce qui le rend imbuvable. Il peut ensuite être mis en bouteille.
Le bouchon sera posé et la bouteille habillée (cache-bouchon,
étiquette) ; après quoi, elle descendra à la cave
où elle sera couchée en, attendant que le vin se remette
de toutes ces manipulations et termine sa " maladie de mise en bouteille
". Il peut alors être dégusté, mais ne perd rien
à attendre un peu.
Le procédé qui vient d'être décrit convient
aussi pour le vin blanc obtenu à partir de raisin rouge à
jus blanc, mais dans ce cas, il ne faut en aucun cas que les peaux soient
laissées en présence du jus au sortir de la presse. La rapidité
est dans ce cas primordiale. Ainsi, par exemple, dans l'AOC Champagne,
il est autorisé un cépage blanc, le Chardonnay, et deux
cépages rouges, le Pinot Noir et le Pinot Meunier.
La fabrication des vins rosés se fait de la même manière
; les peaux sont laissées en contact avec le jus durant quelques
heures jusqu'à l'obtention de la couleur désirée
: du rose tendre, il-de-perdrix au rose profond, voire clairet.
Le jus et les baies passent au pressoir et après décantation,
la fermentation alcoolique peut démarrer comme pour les vins blancs
Dans tous ces cas, il s'agit exclusivement d'une fermentation de jus.
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Du vignoble à la dégustation.
Le vin rouge.
Si l'on veut faire du vin rouge, il faut absolument du raisin rouge, qu'il
soit à jus blanc ou teinturier.
Il existe principalement deux techniques que je vais dénommer bourguignonne
pour la première et médocaine pour la seconde, en référence
aux techniques habituellement utilisées dans ces deux grandes régions
vinicoles françaises.
Technique bourguignonne.
Le raisin est foulé et éraflé et le moût obtenu
est désinfecté puis placé en cuve de macération,
au froid (max 8°C) durant plusieurs jours, voire semaines, de manière
à ce que les peaux libèrent leur tanin et les anthocyanes
qui colorent le vin. L'acidité a été ajustée
à 9 gr/litre d'acide tartrique et la densité mesurée
afin de prévoir une éventuelle chaptalisation. La quantité
de sucre est calculée et ne peut provoquer une augmentation de
plus de 3% volume (ou degrés d'alcool par litre de vin). Le moût
est pressé et le jus est mis en cuve de fermentation à 25-28°C
avec le sucre éventuellement. Les levures sélectionnées
sont introduites et la cuve est fermée et mise sous barboteur jusqu'à
dégradation complète des sucres en alcool. Cela peut prendre
de 4 à 8-10 jours. Lorsque la densité est tombée
en dessous de 1000, mesure détectée par des vérifications
quotidiennes, le vin est fait et il est refroidi. Les lies se déposent
dans le fond de la cuve et l'acidité est alors de 7 g/litre. Ie
vin est décanté et placé en cuve remplie, fermée
et sous barboteur à 18-20°C. Il va subir ainsi une seconde
fermentation qui transforme l'acide malique en acide lactique plus doux.
C'est la fermentation malolactique.
(Une cuve de fermentation de 120 litres)
Cette fermentation malolactique s'accompagne également d'un dégagement
de gaz carbonique. Le niveau des cuves diminue ; il devra être complété
régulièrement pour éviter le contact du vin avec
l'air. Cette opération est l'ouillage.
L'acidité va encore diminuer. Elle se stabilise vers 4-5 g/l d'acide
tartrique, ce qui est idéal pour la dégustation d'un vin
rouge. La fin de la " malo " est constatée grâce
à un dosage des acides du vin par chromatographie sur papier Whatman
en présence de solvants.
Le vin sera alors refroidi ; les lies se déposent dans le fond
de la cuve. Il sera soutiré et placé en cuve de finition
où il sera mis en présence de bentonite puis soutiré
une nouvelle fois. Remis en cuve de clarification en présence de
blanc d'uf, il sera à nouveau soutiré et filtré.
On pourra le mettre en bouteille puis en cave où il prendra le
temps de vieillir. Une dégustation épisodique permettra
de suivre son évolution et de constater si l'une ou l'autre maladie
ne vient pas le perturber. Le nombre de maladies
possibles est d'ailleurs assez impressionnant.
Dans son traité " Connaissance et travail du vin " Emile
Peynaud, Docteur en nologie de l'université de Bordeaux,
consacre plusieurs dizaines de pages à la question.
Il faut cependant compter un an au minimum pour pouvoir juger des qualités
réelles du vin, de ses possibilités de vieillissement et
de bonne évolution.
Technique médocaine.
Le raisin est foulé et éraflé. Le moût désinfecté
est placé tel quel dans la cuve de fermentation avec peaux et pépins,
à une température de 25-28°C. La densité, mesurée
au densimètre et l'acidité mesurée au réactif
bleu de bromothymol sont ajustées et le moût est éventuellement
corrigé. Les levures sélectionnées sont introduites
et la fermentation démarre en cuve ouverte. La fermentation démarre
et elle est tumultueuse, à tel point que la cuve ne sera jamais
remplie qu'aux deux tiers de sa capacité. Le dégagement
de gaz carbonique va amener le volume des baies en haut de la cuve ; c'est
le chapeau. Ce dernier sera enfoncé dans la masse du moût
plusieurs fois par jour ; c'est le pigeage. Il sera ainsi remouillé
de façon à éviter le développement de bactéries
acétiques (vinaigre) en surface. La densité sera mesurée
plusieurs fois par jour pour suivre l'évolution de la dégradation
des sucres. Il en sera de même pour la température du moût
qui devra impérativement être maintenue dans la fourchette
25-28°C. N'oublions pas que l'équation levures+sucres=alcool+gaz
carbonique est exothermique. Si la température monte ou si elle
descend, le risque de destruction des levures est important et la fermentation
s'arrêtera. La cuve est également sujette aux variations
de température du local. La cuverie thermo régulée
se justifie ici aussi. Il va de soi qu'une hygiène rigoureuse est
indispensable tout au long de la fabrication et jusqu'à la mise
en bouteille. Tout le matériel est régulièrement
désinfecté.
Dès que la fermentation alcoolique est terminée, c'est-à-dire
que la densité s'est stabilisée en dessous de 1000, les
baies sont alors dans le fond de la cuve car il n'y a plus de dégagement
de gaz carbonique ; c'est le marc. Cependant, souvent, on laisse le vin
sur son marc durant plusieurs jours après la fin de la fermentation
alcoolique de manière à en tirer du tanin et des anthocyanes
Le vin sera refroidi, soutiré, et le marc restant sera mis sous
presse afin d'en retirer le maximum de vin. On obtient le vin de goutte
et le vin de presse. Leurs compositions sont différentes et ils
seront généralement assemblés. Toujours au froid,
les lies vont se déposer en bas de cuve et le vin sera soutiré
pour être mis en fermentation malolactique.
Il subira les mêmes manipulations que dans la méthode précédente.
Suivront donc la stabilisation à la bentonite, le collage au blanc
d'uf et la filtration avant la mise en bouteille et le stockage
en cave.
La fabrication proprement dite est terminée, mais que devient
notre divin nectar dans sa bouteille ?
Bien sûr, le but final est la dégustation avec en plus, la
fierté d'avoir produit un breuvage magique, car le vin entraîne
la convivialité.
Entre mise en bouteille et dégustation, notre vin, matière
vivante, va évoluer au fil du temps. Entre le fruité et
les caractéristiques des arômes primaires typiques de son
jeune âge, il va prendre petit à petit, au bout d'une dizaine
d'années si on lui en laisse le temps, des arômes secondaires
tirant vers le cuir, le raisin de Corinthe par exemple ; sa couleur va
changer car son acidité diminue encore. Elle passera du rouge mauve
à des tons 'brique' ou 'tuilé'. L'évolution de cette
couleur permet d'ailleurs une évaluation de l'âge du vin
lors d'une dégustation " à l'aveugle ", c'est-à-dire
sans aucune indication quant au vin que l'on se prépare à
déguster.
Le vin blanc par contre n'ayant pas fait de 'malo' afin de lui conserver
ses arômes fruités ou floraux, devra être dégusté
plus jeune, car la diminution de l'acidité en bouteille les lui
fait perdre.
(La bouteille et deux verres agréés INAO : on est prêt
pour la dégustation)
La dégustation se fait en trois temps, le vin étant servi
à bonne température.
Elle porte sur :
- la vue : limpidité, couleur, bulles,
- le nez : arômes floraux, fruités, arômes secondaires,
c'est l'examen olfactif
- la bouche : confirme-t-elle les impressions olfactives, découverte
des tanins, de l'acidité, de types d'arômes empyreumatiques
; café, caramel, goudron, sous-bois, champignons,
Mais quel bonheur lorsque le vin que l'on déguste est celui que
l'on a produit par son travail, avec ses mains comme on dit.
Bien sûr, le travail, les risques climatiques, l'environnement peu
propice parfois, l'investissement en temps et en matériel sont
importants et contraignants. Mais le plaisir que l'on en retire est à
la mesure de tout cela.
La culture de la vigne de cuve en Belgique est en pleine expansion car
remise à l'honneur après la destruction massive du vignoble
belge, notamment à Namur sur les contreforts de la Citadelle par
Louis XIV qui, tout en éliminant une éventuelle concurrence
pour les vins français, fournissait du bois de chauffage à
ses soldats grâce aux ceps de vignes. On raconte d'ailleurs que
Vauban a pu déterminer les faiblesses de la citadelle namuroise
en la visitant sous le déguisement d'un vigneron.
Ce renouveau du vignoble est dû à quelques pionniers, tel
feu Jan Bellefroid de Borgloon qui a reconstitué le vignoble flandrien
et créé entre autres, celui de Maastricht : l'Apostelhoeve.
De même dans la région hutoise où des gens comme Constant
Séba au Clos Saint-Hilaire, ont uvrés dans ce domaine.
Bien d'autres pourraient aussi être cités.
C'est également le cas de l'association des Cordeliers de Saint-Vincent
qui s'est fixé comme objectif premier " de promouvoir la culture
de la vigne de plein-air à raisins de cuve " en Belgique.
Et, à l'instar de nos amis néerlandophones qui ont obtenu
les AOC HAGELAND (Brabant flamand) en 1997 et HASPENGOUW (Limbourg) en
1999, il n'est pas impossible que les vins wallons bénéficient
sous peu, eux aussi, d'une Appellation d'Origine Controlée (AOC)
" Vins de l'Entre Sambre et Meuse " ou " Vins de Pays de
la Wallonie ". C'est un débat politique et administratif qui
est en voie d'aboutissement.
Louis Courtoy.
NB : entre la rédaction de cet article et sa parution, un arrêté
du gouvernement wallon daté du 27 mai 2004 ,fixe dès le
1er août 2004 les AOC wallonnes. Il s'agit des appellations :
" CÔTES DE L'ENTRE SAMBRE ET MEUSE " VQPRD
et " VIN DE PAYS DES JARDINS DE WALLONIE " avec indication
géographique.
C'est là une belle reconnaissance du savoir faire des Vignerons
wallons qui, depuis longue date oeuvrent à la réalisation
de vins wallons de qualité. Il s'agit également de mettre
la production wallonne en concordance avec la réglementation de
la Communauté Européenne.
L'obtention de ces appellations est soumise à un certain nombre
de critères fixés par la loi et le vigneron qui souhaite
les obtenir doit faire une demande d'agrément et se soumettre à
un certain nombre de contrôles et de contraintes qui garantiront
l'authenticité de ses produits. Ces contraintes vont de la nature
des cépages autorisés à la désacidification
maximale, en passant par les rendements maximaux à l'hectare (90hl)
et le degré d'alcool. Une Commission d'agrément est créée
qui vérifiera le respect des conditions d'octroi et procèdera
à une dégustation de manière à juger si le
vin présenté a bien les qualités requises pour l'obtention
d'une appellation.
Le public pourra probablement d'ici quelque temps, trouver dans les commerces
spécialisés ou dans l'Horeca, des vins belges avec l'une
ou l'autre de ces appellations.
(Une récolte prometteuse sur des Chardonnay)
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