Plantons le décor! Un misérable coin de parking souterrain,
sale, encombré d'objets hétéroclites, de carcasses
de voitures , mais combien réaliste. Félicitations à
la formidable équipe technique qui l'a conçu et réalisé
dans les moindres détails .
Dans ce sinistre endroit vit une bande de S.D.F.( Hélas, nous savons
qu'ils existent aussi dans la réalité).C'est un véritable
microcosme où l'on retrouve des bons et des mauvais comme partout
. Cela va de la brute épaisse qui a connu tous les mauvais coups
au malheureux philosophe qui peut tout faire de ses mains mais qui n'a
pas eu de chance en passant par le fils de bonne famille, enfant rebelle
et écrivain mal inspiré, d'une pauvre fille abandonnée
par les siens, d'un jeune qui a connu l'échec mais débrouillard
en diable jusqu'au jardinier qui a tout joué et tout perdu et qui
a trouvé refuge dans l'alcool.
Face à ces pauvres êtres, le propriétaire des lieux,
un businessman froid et ambitieux qui rêve d'implanter dans cet
immeuble un paradis sub-tropical super rentable .
C'est bien là que le drame commence. Pour récupérer
l'endroit, Monsieur Van Cauter, le promoteur,doit chasser les squateurs
qui ne se laisseront pas faire. Mais comment organiser la lutte quand
on n'a pas le droit avec soi ?
Cosak, le baroudeur de service a alors une idée qu'il juge géniale
. Il kidnappe la fille unique du promoteur qu'il cueille à sa sortie
d'une fête mondaine . Il se débarasse de sa voiture qu'on
retrouvera plus tard et ramène sa proie au groupe surpris qui,
après vote démocratique, décide de la garder comme
monnaie d'échange .
Mais le syndrome de Stockholm, cela existe aussi dans la réalité.
La captive qui n' a connu que la vie princière mais aussi l'ennui
et le manque d'amour s'adapte à se situation nouvelle et trouve
dans cette micro-société la joie de vivre et même
l'amour qu'elle n'a jamais connu dans son monde doré .
S'ensuivent alors des tractations sans fin entre les protagonistes, entre
le père et la fille qui a définitivement choisi son camp.
Le ton monte jusqu'au dénouement final. Car on apprend que le jardinier
ivrogne a travaillé au service du promoteur et qu'il est au courant
d'un secret de famille compromettant pour celui-ci. Fou de rage,
Monsieur Van Cauter tue son ex-jardinier d'une balle de révolver.
Arrestation du meurtrier, condamnation et emprisonnement surviennent alors
et la scène finale nous montre un père repentant qui reçoit
en prison la visite de sa fille et de son gendre écrivain qui trouve
enfin la fortune et la gloire en publiant le récit de son existence.
Ce récit pourrait faire l'objet d'un long roman. Le mettre en scène
relève d'une singulière gageure. Les Vrais Amis l'ont résolue
par un jeu impeccable de tous les acteurs, des effets de lumière
allant du clair au plus obscur, d'un bruitage et d'un fond sonore étudié,
de raccoucis saisissants dans le temps et l'espace, le tout réglé
du fond de la salle par une régie efficace et attentive.
On peut toujours dire, mais on s'y attendait, qu'ils ont encore réussi
à nous étonner et c'est de bon augure pour le prochain spectacle
" Melle Sans-Gêne " qui sera sans nul doute le sommet
de la saison théâtrale du centenaire.
Texte et photos : R. Legrain .
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