Après
ce premier contact avec le pays, enfonçons-nous dans l'arrière
pays vers le Sud, une longue route coupée de brise-vitesses épouvantables
qui vous brisent les reins à bord d'un bus rempli d'une soixante
de voyageurs discutant à perte de vue sur la situation politique.
Arrivé à 1h du matin aux Cayes, ville de 200000 habitants,
ce n'est que le lendemain après-midi que nous prenons le bateau pour
l'Ile à Vache situé à 20 km de la côte haïtienne.
Si vous tapez "Ile à Vache" sur Internet vous allez découvrir
que cette île longue de 20 km et large de 5, a un mouillage célèbre
qui servit déjà aux flibustiers au 16ème siècle
"Port Morgan", on y trouve actuellement uni centre touristique
tenu par un français.
Et c'est là, au bord de l'eau, qu'au milieu d'un joli hameau d'une
dizaine de maisons je retrouve Carole et la famille franco-haïtienne
avec laquelle elle vit. Au cours de deux séjours d'un mois de vacances
Carole avait découvert un orphelinat doublé d'une école
tenus par une soeur canadienne soeur Flora. Institutrice de profession elle
a pris une année sabbatique et est partie un an pour travailler dans
cet orphelinat qui accueille aussi des enfants handicapés. De temps
en temps, elle donne de ses nouvelles à ses anciennes élèves
et m'a laissé libre de vous communiquer l'une ou l'autre bonne page...
Pol Wart
1ère lettre de fin septembre
Chers amis,
Aujourd'hui je vais vous décrire une journée telle que je
la vis ici.
Dès que le jour pointe l'île s'éveille... 5h30, 6h00
: la cuisine commence à s'animer. J'entends Mitha et Ilène
qui s'interpellent en préparant le déjeuner. Avec la radio
qui diffuse des chants de Noël à la sauce haïtienne.
Parfois, une odeur de feu de bois ou de café vient chatouiller
mes narines. La cloche de l'église sonne pour la messe de 6h00.
Je sais que soeur Flora est déjà prête depuis longtemps.
Elle ne manquerait pour rien au monde ce rendez-vous quotidien. Je crois
que tout ce qu'elle fait ici, toute l'énergie qu'elle met dans
son oeuvre, tout son courage et l'amour qu'elle donne aux enfants, tout
cela, elle le peut grâce à sa foi.
Moi, je ne me lève pas trop tôt, je paresse un peu, je ne
suis pas trop pressée. Verel arrive avec un bokit (seau en créole)
qu'il est allé chercher au puits de l'orphelinat. Chaque matin,
il m'apporte mon eau pour me laver et il en profite pour bavarder un peu.
Verel s'est un employé qui est vraiment très sympa avec
moi, il me rend vraiment beaucoup de services. Le lundi ou le jeudi, il
se rend au marché pour moi si j'ai besoin d'acheter quelque chose
: du savon pour la lessive, une bougie pour les soirées sans courant,
quelques friandises... Je sais bien que si j'achète tout cela moi-même
la marchande va augmenter ses prix ! Après avoir fait un peu de
ménage ou de lessive, je prends une douche de fortune à
l'aide d'un gobelet et puis je vais déjeuner. Les enfants achèvent
de se préparer pour l'école. Ils sont tous en uniforme,
pantalon ou jupe marron avec chemisier jaune...
Valentine chipote dans son assiette. A cinq ans, elle ne veut pas manger
toute seule ! Nicolas a déjà terminé, il est très
vif et très indépendant même s'il est plus jeune que
Valentine. Ti France pleure pour avoir du lait, Dunol a sont col tout
de travers, Junior tente d'échapper à la vaisselle, Sovena
relit ses leçons, Esther renverse son verre... Soeur Flora secoue
tout ce petit monde car l'heure de l'école approche (8h00) il ne
faudrait quand même pas arriver en retard. Betty et Pierrette arrivent
à la dernière minute pour déjeuner. Ces deux jeunes
filles de la maison travaillent à l'école, elles devraient
pourtant montrer l'exemple...
Je suspends ma lettre ici car je dois quitter Internet dans quelques
minutes... à bientôt pour la suite !
2ème lettre de fin novembre
Enithe, une autre jeune fille de la maison fait rapidement le ménage
du réfectoire avant de se rendre au centre ménager où
elle apprend la couture, la cuisine... Pendant trois semaines, elle a
dormi dans ma chambre pour me tenir compagnie car j'étais seule
dans le bâtiment des volontaires. Les Haïtiens n'ont pas l'habitude
de dormir seuls, ils sont toujours très nombreux par chambre et
même parfois dorment à deux ou trois dans le même lit.
Ca ne me dérangeait pas de dormir seule, même sans voisine
de chambre mais ils ne comprenaient pas cela et avait peur qu'il m'arrive
quelque chose. Ca m'a permis de faire un peu plus connaissance avec elle,
finalement c'était une bonne chose.
Lorsque tous sont partis à l'école, la maison est plus calme.
Il y a les enfants handicapés qui sont assis dans des chaises plus
ou moins adaptées ou couchés sur un matelas. Il y a petit
Jacques et Roselie qui courent partout. Roselie tente toujours d'entre
dans le réfectoire pour voler quelque chose à manger. Pourtant
les employés ont baigné et nourri chaque enfant. Il y a
Belair, un infirmier qui soigne les blessés, brosse les dents et
fait faire quelques exercices de psychomotricité à chacun.
J'ai peu de choses à faire le matin. J'aide parfois soeur Flora
au bureau. Je fais un peu de lessive,, de rangement... ou je vais bavarder
avec Romonde au laboratoire. C'est elle qui fait les analyses de sang
(malaria, typhoïde, grossesse, Sida) commandées par le dispensaire
(il n'y a pas d'hôpital sur l'île). Les malades viennent parfois
trouver soeur Flora lorsque le dispensaire est fermé. En plus de
leur vendre des médicaments (elle a une petite pharmacie) elle
donne des consultations.
Vers midi, nous avons droit à un repas typiquement haïtien
et dès que les enfants reviennent de l'école où ils
ont mangé du blé préparé à la cantine,
ils donnent à manger aux enfants handicapés qui ne sont
pas autonomes mais Johanne, elle, elle se débrouille très
bien. Elle a quelques problèmes au niveau moteur mais elle marche
et est plus ou moins habile avec ses mains. Elle comprend très
bien ce qu'on lui dit mais elle parle très difficilement. De temps
en temps, je la prends près de moi pour la faire dessiner, empiler
des blocs, lancer une balle...je la fais parler(Christiane Fontaine me
manque terriblement dans ces moments-là).
Après ça, Sheelove vient avec ses cahiers pour étudier
et faire ses devoirs avec moi. Elle est très rapide pour mémoriser
ses leçons et est très douée en lecture et en calcul.
Elle aime apprendre, mon travail est très facile avec elle. Ezéchiel,
lui, a un peu plus de mal mais il est assez volontaire ; son problème
est qu'il doit étudier des synthèses en français
et qu'il n'y comprend rien de rien. Par contre, il est relativement attentif
en classe car il est capable de m'expliquer en créole à
peu près tout ce que le maître a expliqué... Je dois
appeler plusieurs fois Dunol pour qu'il vienne étudier, pour lui,
c'est vraiment très difficile. Il est tout le temps distrait et
a des difficultés en lecture. Il fait tout le temps des inversions
et il confond pb dq (Christiane Fontaine au secours) bien évidemment
son prof. ne se soucie absolument pas de ses difficultés particulières.
Il n'a sans doute rien remarqué et se contente de le battre lorsqu'il
ne connaît pas ses leçons.
Parfois Stevenson, le fils d'une employée qui lave le linge, vient
près de moi aussi (il est en deuxième année comme
les autres) lui, il ne reconnaît pas les lettres, il est loin de
savoir lire !
Je termine ici pour aujourd'hui en vous souhaitant à tous de belles
fêtes de Noël et de nouvel an. Je pourrai vous raconter le
fin de la journée et aussi comment est la vie au village ou je
me suis installée depuis quelques jours ainsi que la fête
de Noël ! À bientôt,
Carole
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