65 ans au pupitre de l'Harmonie Royale Ouvrière.

Sur le document photographique que nous reproduisons à la page... et qui date de 1936, le petit garçon en béret accroupi au 1er rang, le 4ème à partir de la droite, c'est lui, Robert Marneffe. Il a 12 ans et est déjà inscrit à l'école de musique donc membre de la société en même temps que ses frères Marcel et Pierrot, des oncles, des cousins car les Marneffe sont bien représentés dans le groupe.Avant de se servir d'un instrument, il fallait faire preuve d'une bonne connaissance de la lecture musicale, donc de solfège. C'est Monsieur Joseph Berlaimont, le chef d'orchestre de l'époque qui lui donna le feu vert et le choix d'un instrument. Robert choisit la clarinette que lui paya son oncle (elle coûtait 125 F à cette époque, il en faudrait 40.000 aujourd'hui)
De 1936 à 1940, Robert s'installa au pupitre de clarinettiste. L'harmonie cessa ses activités pendant la guerre car beaucoup de musiciens étaient prisonniers en Allemagne et le coeur n'y était plus.
Robert qui avait choisi le métier de peintre a travaillé avec son frère dans la région parisienne jusqu'à la libération du pays. Il revint à Malonne et reprit sa place au sein de l'harmonie qui s'était reconstituée dès 1945. Il fut ensuite appelé au service militaire en Allemagne.Le 12ème de ligne qui se reformait également avait besoin de clairons et il se présenta. Il y a loin de la clarinette au clairon, il fut tout de même reçu et son service se passa en musique, ce qui fut loin de lui déplaire.
A sa démobilisation, il reprit le chemin des répétitions.C'est à peu près à cette époque qu'on changea le diapason des instruments et qu'il manquait de saxophonistes. Robert fut sollicité par le nouveau chef Henri Clément pour changer d'instrument, il accepta et apprit rapidement le saxo qu'il n'abandonna plus par la suite Le local de la société se trouvait, comme on peut le voir sur la photo, au café Marchal, place du Malpas (chez l'Baron comme on disait à l'époque car on aimait les sobriquets) Le café se prolongeait par une petite salle aujourd'hui occupée par le magasin Delhaize. L'harmonie y organisait ses répétitions, ses concerts, ses repas de fête. Elle partageait la salle avec une société dramatique appelée " L'espoir malonnois ".C'était pour l'époque un foyer culturel très actif.
Il faut rappeler qu'à cette époque, Malonne comptait trois sociétés de musique: L'harmonie royale ouvrière, La Phalange, et l'Eveil qui étaient étiquetés selon leur couleur politique ou philosophique comme si la musique pouvait exprimer des opinions. Cela créait peut être une certaine émulation et contentait les têtes dirigeantes de l'époque, mais les musiciens étaient surtout heureux de faire de la musique car il n'était pas rare que certains passaient de l'une à l'autre " en renfort " quand il le fallait. Dieu merci, cette époque est révolue et une seule a subsisté, notre Harmonie Ouvrière de Malonne qui satisfait aujourd'hui aux besoins musicaux de toute la population sans aucune distinction.
Après la vente de la salle à la société Delhaize, les musiciens ont trouvé un refuge dans un petit local au dessus de la poste actuelle et depuis peu dans la petite salle du Champ Ha où ils se sentent bien.
En 65 ans de carrière, Robert a connu de nombreux chefs. Après Joseph Berlaimont décédé en 1939, il a joué sous la direction d'Henri Clément (de 1945 à 1956) de Maurice Legrain (de 1956 à 1969) de J.P Doumont (en 1970) de G. Favaux (1970 à 1978) enfin depuis 1978, le chef de musique actuel Pierre Ernoux.
En tant que sociétaire dévoué, Robert s'est toujours mis au service de l'harmonie. C'est ainsi que pendant plus de 20 ans, il a assuré des cours de clarinette et de saxophone à l'école de musique. Parmi ses élèves, il compte deux petits-fils (saxo et clarinette), l'actuel président Charles Delmotte qu'il initia au saxophone.Il n'est pas peu fier de signaler que parmi ses jeunes élèves, il faut compter Ronald Van Spandonck, un des plus grands clarinettistes reconnus de Belgique à qui il enseigna l'ABC de l'instrument.
A ce sujet, Robert signale que l'école de musique a formé et forme encore de très nombreux jeunes mais qu'elle éprouve de grosses difficultés à trouver des jeunes remplaçants aux pupitres des cuivres: bugles, cors, tubas et trombones. Ils sont pourtant nécessaires pour former une vraie harmonie. Monsieur André Debources vient d'accepter la charge de former ces nouveaux musiciens. N'hésitez donc pas à le contacter.
Les prestations de la société sont multiples; les répétitions sont le travail de base, les concerts sont les occasions de montrer les talents des exécutants. Il y a aussi les sorties dans le village: processions, relais sacrés, messes solennelles, animation à la fête au village etc.
Parmi les meilleurs souvenirs, Robert évoque avec regret les fêtes de Sainte Cécile d'antan. De 9 heures du matin à 9 h du soir, la musique parcourait les rues du village, jouait des " arguedaines " chez les membres, faisait danser les gens dans les rues. C'était seulement le soir qu'on regagnait le local pour un souper regroupant musiciens, comitards, parents et sympathisants. Repas copieux, bien arrosé mais surtout dans une ambiance amicale et joyeuse.
Anciennement, tous les membres en règle de cotisation avaient droit à leurs funérailles à un " enterrement en musique " Malgré la difficulté de se rendre libres, c'était pour les musiciens la meilleure façon de rendre hommage à leurs membres défunts.
Bien sûr, Robert se souvient avec joie des distinctions recueillies dans les concours organisés par la Fédération musicale de Namur-Luxembourg que l'on préparait avec grand sérieux. En 1966, l'harmonie se classa en 1ère division, 2ème section. En 1981, elle reçoit le prix Camille Schmit qui est la plus haute distinction de la Fédération. Ce furent des moments de grande joie et de fierté bien mérités.
En plus de 60 ans il est impossible de se souvenir de toutes les oeuvres jouées. Cependant, certaines sont gravées dans la mémoire de Robert comme par exemple l'air du " Marché persan " rappelant l'Orient.
Tous les musiciens belges se souviennent de la musique jouée par les orchestres de l'armée américaine au lendemain de la libération avec ses rythmes jusqu'alors inconnus et ses airs de jazz de l'époque.
Ce ne fut d'ailleurs pas toujours facile pour eux de se mettre à ces rythmes inhabituels et aux mesures nouvelles comme le 5/4 qui en a fait souffrir beaucoup.
En 2006, l'Harmonie fêtera le 170ème anniversaire de son existence, Robert espère qu'il sera toujours au pupitre avec ses collègues et amis pour fêter dignement l'événement. C'est bien ce que nous lui souhaitons de tout cœur.