Manifestement, Eva Kavian ne tourne pas en rond dans ses recherches stylistiques,
et chacun des ses livres nous dévoile une nouvelle facette de son
talent. Avec Trois
siècles d'amour, elle nous fait découvrir ce que l'on pourrait
qualifier de " littérature pointilliste ". Jugez plutôt
: son roman compte 136 pages
pour 81 chapitres ! Chaque chapitre
est une petite histoire en elle-même ou une réflexion autonome
sur la trame générale du roman.
Malgré son titre, et même si l'Amour est au bout du chemin,
au bout du roman, il ne s'agit pas ici d'un roman d'amour, mais plutôt
d'un roman sur l'attente et le désir. Et donc sur ce qui nous manque,
puisque c'est là ce que nous désirons.
Ce qui nous manque ? Avant tout le regard de l'autre, un autre qui nous
aime, un regard qui nous construit. Hors de cela, aucun bonheur n'est
possible. C'est là le drame de la boulangère du roman. Mais
aussi celui de la narratrice.
Parallèlement à cette quête d'un regard reconnaissant,
la narratrice s'interroge aussi, tout au long du roman, sur l'écriture
: J'ai arrêté de penser au livre à écrire.
J'ai essayé de vivre. Mais elle reviendra pourtant à l'écriture.
Parce que j'ai besoin de ça.
L'écriture est faussement simpliste. On dirait un conte, mais habité
d'un fantastique poétique où l'invention ne le cède
qu'à la poésie : un arbre qui se nourrit de dessins d'enfants,
un vent qui fait que l'on oublie tout dès qu'il souffle
Et le titre me direz-vous ? (Oui, certains n'acceptent de s'engager dans
l'aventure que constitue la lecture d'un livre que s'ils en comprennent
le titre.) Je lui demande à quoi ça ressemble trois siècles.
Il me dit : ça ressemble à toujours. Que tout instant doit
être nouveau. Inventé. Dégusté. Tout instant
doit arriver au bout de l'attente, là où elle commence à
faire mal.
Un roman apaisé, me semble-t-il, empreint tout à la fois
d'une douceur triste et heureuse. Et donc apaisant. Un livre que l'on
prend plaisir à relire, chapitre par chapitre, dans le désordre
bien sûr, pour en respecter la poésie. Il y a des histoires
d'amour qui attendent qu'on les invente pour exister.
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Voici un ouvrage dont la présentation peut surprendre au premier
abord. Le titre est poétique "
Prendre la mort pour
aller dans une étoile
", ce que confirme le sous-titre
" Poésies ". Mais ce qui étonne, c'est l'indication
" Essai sur l'uvre de Vincent Van Gogh ". Or, le dictionnaire
nous apprend qu'un essai est un ouvrage en prose rassemblant des réflexions
diverses ou traitant d'un sujet d'intérêt général.
N'est-ce pas paradoxal ? Perdu dans ces pensées contradictoires,
je n'ai su comment interpréter l'indication de la première
page " Illustrations de tableaux de Vincent Van Gogh ". Maurice
Piraux voulait sans doute simplement dire que les illustrations du livre
étaient des tableaux de Vincent Van Gogh, mais j'ai d'abord cru
que le but de l'auteur était d'essayer d'illustrer - à l'aide
de mots ! - les uvres du peintre. Beau défi
Mais laissez donc votre cartésianisme au vestiaire : voilà
que les images du peintre se font mots, voilà que les mots du poète
se font dessins. Il y a une véritable mise en
images de la poésie de Maurice Piraux : les mots se fondent dans
les peintures qui apparaissent en filigrane (Le bêcheur, Vieillard
pleurant
) ou recréent la dynamique même de l'uvre
picturale (Sorrow, Le semeur, Champ de blé aux corbeaux
).
Mais s'il y a mise en images, il y a aussi mise en scène, la poésie
de l'auteur se déroulant parfois sur le papier sous la forme d'une
saynète (Les mangeurs de pommes de terre). Quelquefois, le plaisir
naît aussi de la confrontation entre plusieurs approches poétiques
différentes d'une même uvre de Van Gogh (Le pêcher
aux fleurs, Le semeur
).
Comme le dit Christine Daine en quatrième de couverture, les poèmes
de Maurice Piraux ne sont pas faciles. Mais pour que nous puissions pleinement
en profiter, elle nous livre une clé : C'est un recueil à
déguster, à méditer ; Ne soyez pas pressé
ou encore Laissez-vous faire. Alors se produira la secrète alchimie
: le mariage de la plume et du pinceau, qui enfantent la musique, qui
engendrent l'émotion.
Alors, essai ? Essai réussi ! N'hésitez pas à demander
cet ouvrage chez votre libraire : il se fera sûrement un plaisir
de vous le procurer. Ou bien adressez-vous directement à l'auteur.
Un peu de poésie pour bien commencer l'année 2004, voilà
ce que je vous souhaite !
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