LE BONHEUR EST IL DANS LE PRE ?

Tantôt symboliques comme les premiers de la série à Floreffe, tantôt fonctionnellement provisoires en face de l'ancienne laiterie, on découvre ensuite le Mikado fluorescent , formule mathématiquement magique, avant de buter à l'entrée de Malonne sur un exemplaire hétéroclite couvert de roses et un étrange " Namur carrelages " pour reprendre un sketch de la Fête au Village. Les concepteurs n'ont apparemment pas tressé de fil conducteur entre ces différentes butes, pour preuve le dernier de la série implanté au carrefour vers Flawinne. Le seul équipé récemment d'un panneau didactique " le pré refleurit " pour les autres ronds-points aucune explication officielle, place donc à l'interprétation libre de leur sens voire non-sens.
Celui de Bauce par contre, refuge pour les mulots et taupes, oasis pour les papillons, la légion des insectes et galéopithèques, ressemble en dehors des heures de pointe parfois étrangement à une soucoupe volante posée dans la mer de la tranquilité. Sauf lorsque les coquelicots tracent leur chemin de contrebandier dans le sommeil doré des blés comme le dit si bien Christian Bobin. Alors on se surprend à rêver du temps jadis, le temps de la fenaison et de la moisson, des meules de foin, les gerbes de blé, d'avoine et d'épeautre que l'on dressait en " diseaux ", coquelicots, quelques chardons et autres herbes folles se trouvant finalement transformés en fourrage. Gentil coquelicot....
Outre la première compagnie d'Austerlitz qui prend le monticule d'assaut lors de la Dicause des Sarpettes, un endroit stratégique pour faire chanter la poudre et tonner le canon il n'est pas rare qu'un promeneur de passage ou amoureux du paysage n'y grimpe pour contempler le coucher de soleil dans la vallée de la Sambre ou scruter le vol des canards sauvages et autres hérons.

En été ce point de vue sur les prairies et accotements avoisinants dévoile toutefois une des plus importantes collections de chardons (du latin carduus) de la contrée, ces plantes à feuilles et tiges épineuses avancent à la vitesse de l'escargot et occupent à chaque saison un espace plus important. Quand le chardon peut évoluer à sa guise il se transformerait bien en ... coton. Oh les grands champs de coton des Etats Unis voici quelques décades, ils y ressemblent de loin comme deux gouttes d'eau ces chardons , on dirait le même duvet que la future étoffe. Pour peu on entendrait résonner " Let my people go " ou autres negro-spirituals des travailleurs-esclaves de ces plantations.
Le " duvet " au cours du mois d'août prend la poudre d'escampette et envahit tout le quartier , autrefois le garde-champêtre veillait au grain, une sommation et les chardons étaient coupés avant qu'ils ne puissent semer à profusion.
Le bonheur est-il dans le pré ? Faudrait peut-être interroger aussi les bovidés...

De cet observatoire circulaire on a pu voir s'activer tout récemment encore deux géomètres bornant un terrain situé à côté de la chapelle du Christ au Lien
Selon des premières informations qui demandent confirmation une chaîne de supermarchés dont le sigle regorge d'l 's aurait jeté son dévolu sur ce " pachî " avec comme objectif d'y installer prochainement une succursale..
Pourtant dans un rayon de 5 km le nombre de magasins de ce type ne dépasse-t-il déjà pas la dizaine...
Tout comme il y a dix ans lors d'une précédente tentative d'un autre groupe au même endroit des riverains directs et le Comité de quartier les Sarpettes di Bauce comptent se mobiliser contre ce projet afin de défendre leur cadre et qualité de vie car afin que dans ce petit coin du quartier le bonheur puisse vraiment rester dans le pré..


Mais tant qu'ils s'aimeront, tant que les nuages
Porteurs de chagrin les épargneront
I'f'ra bon voler dans les frais bocages
I n'f'ront pas la chasse aux papillons
Pas la chasse aux papillons. (G.Brassens)