Mais pour éveiller une prise de conscience du sens de l'existence
humaine, je pense qu'il est nécessaire de recevoir l'éclairage
de spécialistes compétents.
C'est cette expérience que nous avons vécue aux soirées
du R'Atelier.
Bernadette Wiame, professeur de religion et de pédagogie religieuse
à Lumen Vitae et à l'UCL, a choisi le récit de Caïn
et Abel.
Elle nous a fait partager son plaisir de relire la Bible comme une bonne
nouvelle qui nous redynamise pour prendre nos responsabilités dans
toute relation.
S'inspirant de l'analyse narrative d'André Wenin, Bernadette nous
fait un exposé clair et méthodique. On s'y attendait, mais
en plus, il était interactif ! Elle rafraîchit le contexte
mythique des histoires de la Bible, nous conduit à observer les
personnages du récit et leurs relations, en se focalisant sur les
mots, en dépoussiérant parfois la traduction..
Elle décape l'ancienne vision d'un Dieu qui pourchasse l'homme
et punit. Après avoir esquissé une légère
interprétation psychanalytique, elle repeint le portrait d'un Dieu
proche de l'homme. Lorsque nous voyons un Dieu injuste, elle nous révèle
un trompe-l'il, nous place du côté d'Abel, puis de
Caïn, pour nous mettre en face de " notre manque " et aux
sources de la violence relationnelle.
Caïn est considéré par sa mère, Eve, comme un
demi-dieu ; pour elle, il prend la place du père. Caïn se
trouve enfermé dans une relation possessive dont son frère
Abel est exclu. Les deux frères mènent une vie en parallèle
alors qu'ils auraient pu être complémentaires par leur travail
: l'un à la terre l'autre à son bétail. Cependant,
une étincelle va déclencher la jalousie foudroyante de Caïn,
c'est le regard privilégié de Dieu sur les offrandes d'Abel.
Abel devient important, Caïn n'est plus " tout ". Il oublie
ce qu'il a et ne voit plus que ce qui lui manque. Il est aveuglé
par une grande souffrance : la jalousie. Elle est comme un serpent intérieur,
une bête tapie qui mange ses énergies.
Et Dieu dans tout cela ?
Il invite Caïn à un autre avenir, Il l'interroge sur ce qui
lui fait mal, l'invite au dialogue sur son comportement, lui suggère
la possibilité de relever son visage pour un face à face.
Si celui qui a des sentiments de jalousie s'ouvre à la fraternité
par la parole, il peut maîtriser le serpent, l'animalité
qui est en lui.
Mais la Bible n'est pas un conte de fées. Caïn n'a pas maîtrisé
l'agressivité qui le ronge, il n'a pas délié ses
sentiments de jalousie par une parole vraie. Caïn ne dira pas à
son frère, à sa mère ni à Dieu, ni à
lui-même quelle était sa souffrance. Alors, elle se manifestera
par l'agressivité et se dira par la violence meurtrière.
L'inhumain l'a emporté et va jusqu'à dénier son geste.
" Où est ton frère ?
Je ne sais pas, suis-je le gardien de mon frère ? "
Dieu semble impuissant face à celui qui refuse la fraternité,
mais Il ne se résigne pas. Il faut que justice soit faite, que
soit dite à haute voix la violence qui a été commise
pour arrêter ses ravages.
Il faut que soit déclaré le coupable et qu'une sanction
soit énoncée pour rendre une chance à l'Humain.
Vient ensuite la touche finale qui dit combien Dieu est pour la vie. Il
ne veut pas la mort de l'assassin.
Cette tragédie du meurtre montre comment le malheureux devient
méchant ; elle met en lumière un Dieu qui nous rappelle
que nous pouvons dominer la violence. Nous sommes responsables de la maîtrise
de notre jalousie afin de vivre la fraternité.
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