Les racines malonnoises
Très bien, me direz-vous, mais pourquoi consacrer un Face &
Profil à un auteur né en 1960 à Mont-sur-Marchienne,
qui a ensuite résidé plus de vingt-cinq ans à La
Hulpe, et qui vit maintenant à Woluwe-Saint-Pierre ?
Ceux
qui ont lu De secrètes injustices l'auront peut-être remarqué
: sans que le nom soit mentionné, un chapitre de ce livre se déroule
à Malonne. Autre indice, plus curieux encore : l'indication, à
la fin de ses romans, que ceux-ci ont été écrits
à Woluwe-Saint-Pierre et
à Malonne ! Alors, Xavier
Hanotte, Malonnois ? Malonne Première a voulu en avoir le cur
net et a rencontré pour vous cet auteur attachant.
C'est ainsi que nous avons appris que sa famille maternelle est originaire
de la région de Bois-de-Villers et Flo-reffe. Qu'une de ses grand-tantes
a vécu au Port et que ses grands-parents maternels ont même
habité au Tom-bois. Que sa tante y séjourne encore. Et que
son père, quant à lui, avait bâti aux Champs une seconde
résidence, dont Xavier Hanotte a hérité. C'est ainsi
qu'actuellement, il essaye de passer un week-end sur deux à Malonne
(du moins à la bonne saison).
La modestie du traducteur
Je le disais en introduction, Xavier Hanotte n'a publié son premier
roman qu'à l'âge de 35 ans. Ne croyez pas que c'est parce
qu'il a passé de nombreuses années à chercher un
éditeur acceptant son premier manuscrit : ce-lui-ci a été
accepté dès qu'il a été présenté
chez Belfond !
Ne croyez pas non plus que le goût de la littérature n'ait
touché Xavier Hanotte que bien tard ! Il a toujours eu le désir
d'écrire, mais étant quelqu'un qui doute, ce désir
était plus ou moins inconsciemment refoulé. Passionné
par la littérature dès son plus jeune âge, Xavier
Hanotte, à l'issue de ses humanités, s'oriente vers la philologie
germanique. Entre la fin de ses études universitaires et le début
de son service militaire, il profite de cette période de battement
pour se lancer
dans l'aventure de la traduction littéraire. Cette première
traduction (Lettre à Bau-douin de Walter Van den Broeck) est achevée
en 1984, pendant son service militaire.
Il ne veut toutefois pas dépendre économiquement de la littérature.
Aussi, après avoir travaillé quelque temps dans une maison
d'édition juridique, il suit une licence spéciale en sciences
de l'information et de la documenta-tion, et finit par s'orienter vers
la gestion de bases de données informatiques !
" Je suis arrivé en écriture par la traduction "
aime-t-il répéter. Traduction et écriture vont bien
ensemble : pour s'en convaincre, il suffit de penser à Charles
Baudelaire et ses traductions d'Edgar Allan Poe ou, plus près de
nous, à Paul Auster et ses traductions de Mallarmé.
Il faudra attendre 10 ans avant que Xavier Hanotte ne se décide
à écrire pour lui. Ce n'est en effet qu'en 1994 qu'il commence
Manière noire (paru en 1995 chez Belfond). C'est aussitôt
le succès : ce premier roman obtient le prix Alain-Fournier et
le prix Gironde. De secrètes injustices, paru en 1998, obtient
quant à lui le prix Michel Lebrun de la ville du Mans, le prix
RTBF des auditeurs et le prix de la ville de Bruxelles. Et la liste des
prix recueillis par Derrière la colline, paru en 2000, est trop
longue que pour être citée. Nul doute que Les lieux communs
suive le même chemin ! Mais tous les prix qu'il reçoit n'entament
pas sa modestie. " En étant traduc-teur ", confie Xavier
Hanotte, " il est impossible d'attraper la grosse tête : on
sait qu'on est au service de l'écriture. On se relit comme
s'il s'agissait d'une traduction, où le texte original serait dans
votre tête, dans votre cur. Un écrivain est foutu à
partir du moment où il croit qu'on lui doit quelque chose. Quand
on a été traducteur, c'est impossible. " C'est ainsi
que Xavier Hanotte apprécie de vivre en-dehors du cénacle
littéraire. Il privilégie une approche sincère et
naïve de la littérature.
Et son statut d'écrivain reconnu ne lui a pas enlevé son
goût pour la traduction, comme en témoigne Fromage de Willem
Elsschot, paru au début de cette année au Castor Astral.
L'écrivain de l'émotion
" Je ne suis pas un écrivain intellectuel " : Xavier
Hanotte se défend d'écrire des romans à idées.
Ce qu'il cher-che quand il écrit : éprouver des émotions
et les transmettre par l'écriture. Ce qui importe, c'est d'être
soi-même ému. " Mon émotion ne doit pas se perdre.
" C'est sans doute ce " travail à l'émotion "
qui explique son succès : l'auteur ne paraît pas futile et
touche le cur des gens.
Or, il est difficile d'émouvoir si on ne parle pas de soi-même.
La part d'autobiographie est donc énorme (l'écriture aide
à accoucher de quelque chose d'intime), mais elle est déguisée.
Où est le vrai et où est la fiction ? Après tout,
qu'importe ? L'important n'est-il pas de partager l'émotion de
l'auteur ?
Serait-ce l'influence de son métier d'informaticien ? Les livres
de Xavier Hanotte apparaissent comme extrê-mement construits, même
si ce n'est pas véritablement volontaire. Il est toutefois vrai
qu'il ne commence à écrire que quand le livre existe déjà
dans son imaginaire. Car écrire, c'est traduire l'imaginaire. Au
départ, il possède donc un plan, mais il avoue être
finalement toujours surpris par ce qu'il écrit.
Et quand on a un boulot à temps plein, comment fait-on pour écrire
? Xavier Hanotte travaille en entreprise de 7 à 16 heures. Il écrit
donc soit à partir de 18 heures, soit le week-end (notamment à
Malonne !) Le premier jet est toujours pénible. Son retravail représente
la véritable naissance du roman. Il fait ensuite relire ses chapitres
en cours d'écriture par des amis. Et pour Xavier Hanotte, les amis,
c'est important !
Le chantre de l'amitié
Si l'amour en tant que tel n'a que peu de place réelle dans l'uvre
de Xavier Hanotte (sinon par son absence, au travers de l'importance de
la déception amoureuse comme ressort des décisions des personnages),
on ne peut en dire autant de l'amitié, qui imprègne littéralement
ses romans. Cette importance de l'amitié, on la retrouve, par exemple,
dans le dépassement de l'identité (Derrière la colline)
ou dans le dépassement de la mort (Les lieux communs).
On trouve même parfois dans ses ouvrages l'un ou l'autre clin d'il
à un ami (pas pour le plaisir de faire un clin d'il, mais
par pure amitié), comme par exemple le personnage d'un commissaire
dans Manière Noire.
Le paradoxe de la Grande Guerre
J'ai longtemps hésité à lire Derrière la colline.
Parce que je n'aime pas les livres de guerre.
J'avais tort. Parce que ce ne sont pas des romans de guerre, mais des
romans d'aventure humaine.
Toutefois, il faut bien le reconnaître, la guerre, particulièrement
celle de 14-18, apparaît comme un véritable fil rouge tout
au long de l'uvre de Xavier Hanotte. Si l'auteur se défend
- à juste titre - d'écrire des romans de guerre, pourquoi
privilégie-t-il cette période ?
En fait ce n'est pas la guerre 14-18 en tant que telle qui intéresse
Xavier Hanotte, mais elle constitue le cadre idéal (en ce sens
qu'il s'agit d'une période extrême) pour développer
ce qu'il veut dire. Il s'agit en effet d'une période charnière
de l'entrée dans le XXe siècle. " Est-on encore prêt
aujourd'hui à risquer sa vie pour quelque chose ? A cette époque,
il arrivait que les gens se battent pour avoir le privilège de
s'engager. " Xavier Hanotte ne veut pas donner de leçons,
mais il
défend un système de valeurs. " La mémoire est
quelque chose de néces-saire qu'il faut assumer. " Il est
conscient qu'il y a un certain donquichottisme dans son rejet de notre
civilisa-tion superficielle (dans Les lieux communs, Bellewaerde, lieu
de détente régi par le diktat de l'amusement et symbole
d'une société puérile où tout est permis,
est mis en résonance avec Bellewaerde, lieu d'une terrible bataille
en mai 1915). " Le romancier est là pour poser des questions.
C'est au lecteur d'y répondre. "
Les romans de Xavier Hanotte semblent particulièrement bien documentés
d'un point de vue historique. On pourrait imaginer leur auteur, rat de
bibliothèque, se documentant avec acharnement à chaque fois
qu'il entame un nouvel ouvrage. En fait les choses se présentent
un peu différemment, dans la mesure où il n'y a pas de re-cherche
de documentation spécifiquement dans l'objectif d'écrire.
Il s'agit avant tout d'une documentation par intérêt, dont
le thème s'impose ensuite comme sujet d'écriture. Les lieux
sont visités pour eux-mêmes, parce que Xavier Hanotte les
trouve fascinants, comme par exemple les cimetières militaires.
" Les cimetières britanniques me communiquent une émotion
bien particulière, pour la magie qu'ils dégagent. Ce sont
des lieux de passage, des sas entre le présent et le passé,
où l'on se sent à la fois ici et ailleurs. (Le Soir - 8
novembre 2002) " Bien sûr, en cours de rédaction, il
lui arrive de procéder à une recherche de documentation
très spécifique, comme par exemple sur les marques de cigarettes
que fumaient les soldats anglais.
Mais qu'on ne s'y trompe pas : si les romans de Xavier Hanotte sont particulièrement
bien documentés, ils lais-sent aussi la part belle au réalisme
magique et au goût du fantastique. C'est ainsi que le thème
du double est abordé dans Manière Noire, l'onirisme dans
De secrètes injustices et les revenants dans Les lieux communs.
Le poète
Documentation fouillée et goût du fantastique : la présentation
de l'uvre de Xavier Hanotte serait incomplète si on n'y ajoutait
la poésie qui la baigne en permanence, même lorsqu'il s'agit
de parler de la guerre. Normal pour quelqu'un qui " travaille à
l'émotion ".
Si la poésie transcende la prose de Xavier Hanotte, celui-ci est
également l'auteur d'un recueil poétique, qui devrait paraître
en juin au Castor Astral sous le titre Poussières d'histoires &
Bribes de voyages. Au départ, il s'agissait en fait de poésie
écrite (depuis 1984) à usage interne. Celle-ci n'est donc
en quelque sorte publiée que par hasard, suite aux pressions d'un
ami éditeur.
Mais si Xavier Hanotte est poète, il est aussi traducteur de poète,
en l'occurrence de l'uvre de Wilfred Owen. (Ces poèmes et
lettres traduits de l'anglais constituent d'ailleurs une exception : toutes
les autres traductions de Xavier Hanotte sont faites à partir du
néerlandais). Pour traduire un poète, il faut avoir soi-même
la fibre poéti-que. Plus qu'une traduction, il s'agit réellement
d'une réinterprétation. Et Xavier Hanotte a cette formule
su-perbe : " Traduire, c'est transmettre de la lumière. Il
y a bien sûr toujours un peu de perte, mais l'objectif du traducteur,
c'est qu'il y en ait le moins possible. "
Le scoop de Malonne Première
Il n'est pas certain que le prochain roman de Xavier Hanotte (son cinquième)
s'intitule La Vie privée des ours. Ce sera peut-être Ours
toujours
Mais ce qui est certain, c'est que les héros en
seront des ours, et qu'il devrait paraître l'année prochaine
! En attendant, régalez-vous de ses premières uvres.
Et si vous voulez découvrir sans tarder l'auteur et que vous avez
accès à Internet, allez donc voir à l'adresse http://www.bon-a-tirer.com/auteurs/hanotte.html.
Bonne lecture !
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