Dès
leur mise en service par la S.N.C.B. en 1954, six machines diesel - électriques
de la série 70 (numérotées 270 à l'époque)
ont été affectées au dépôt de Ronet. Elles
y furent les premières locomotives diesel. Elles n'y avaient été
pré-cédées que par la 1818, une sombre et lourde locomotive
General Motors de l'U.S. Army Transportation Corps station-née à
Aix-la-Chapelle. Cette dernière avait été confiée
à la S.N.C.B. pour effectuer les essais préliminaires à
l'achat des premières locomotives diesel de ligne dont certaines
des séries 52, 53 et 54 (ex- 202, 203 et 204) sont toujours en ser-vice
aujourd'hui, notamment de Ronet vers Bertrix via Dinant. L'une d'entre elles,
la 204.004 conservée dans son état d'origine, eut encore l'honneur
de figurer en compagnie du train royal dont elle portait fièrement
le blason ces 20 et 21 septembre à Namur à l'occasion de l'inauguration
de la gare.
Le 21 avril 1954, la 1818 remorqua un train de marchandises de 800 tonnes
entre Ronet et Latour via la célèbre ligne Athus - Meuse dont
l'électrification en 25000 Volts sera bientôt inaugurée
pour établir enfin la liaison fret internationale à grand
débit Anvers - Louvain - Ottignies - Fleurus - Auvelais - Ronet -
Dinant vers la France, la Suisse et l'Italie. La série 270 était
accompagnée de six autres locomotives diesel - hydrauliques du type
271. Le choix du mode de transmission ne faisait pas l'unanimité.
A Bauce, l'élue devrait être la première du lot, numérotée
7001. Elle fut pourtant la dernière des six à être mise
en ser-vice le 18 juin 1954 sous le numéro 270.001. Au moment de
sa renumérotation comme 7001 le 1er janvier 1971, elle et ses surs
avaient déjà quitté Ronet depuis dix ans pour accomplir
tout le reste de leur carrière aux manuvres de triage lourd
à Anvers - Nord et en tête des trains de cabotage vers Boom,
Malines, Mol et Turnhout ainsi que sur la rive gau-che de l'Escaut dès
la mise en service du tunnel Kennedy. Officiellement, la 7001 a été
mise hors service le 1er juillet 2001. Vous pouvez déjà l'apercevoir
depuis l'avenue Sergent Vrithoff où elle attend un meilleur sort
que le chalumeau sur les débords de l'atelier de Salzinnes. Sa caisse
a encore besoin d'un bon rafraîchissement dont nous espérons
qu'il ne sera pas remis en question. Trop d'engins de la S.N.C.B., dont
de prestigieuses locomotives à vapeur fleurons de l'in-dustrie belge
qui firent le renom des ingénieurs belges à l'étranger,
ont connu une issue fatale pour avoir été entreposés
à tous vents pendant des années avant qu'une décision
de classement soit prise. Heureusement, deux autres exemplaires au moins
pourront être cannibalisés pour sauver la 7001. La 7005 a déjà
été soigneusement restaurée par le Patrimoine Ferroviaire
Touristique (P.F.T.-T.S.P. - www.pfttsp.be) pour être utilisée
sous l'ancien numéro 270.005 et présentée en livrée
des années soixante. Elle assure le service local à l'abri
- musée de Saint - Ghislain, malgré un moteur diesel avarié.
La 7001 n'en aura plus besoin.
Une autre locomotive, plus modeste, aurait dû prendre place à
Bauce. La 9209, de taille beaucoup plus réduite, avait fini ses jours
à l'Atelier Central de Salzinnes au titre d'outillage lourd. De 1995
à 1998, elle y a accompli les manuvres sur la cour de l'atelier.
Garée en bon état, la même association qui s'active
à la sauvegarde du patrimoine ferroviaire négligé depuis
des années par les autorités qui ne savent toujours pas si
un musée ferroviaire doit voir le jour à Bruxelles, en Flandres
ou en Wallonie, l'a acquise juste à temps pour la maintenir en état
de marche. De plus, sa petite sur, la 9206, orne déjà
les abords de l'entrée principale de l'atelier namurois. Aussi, les
militants du P.F.T. qui savent de quoi ils par-lent ont proposé de
remplacer la 9209 en état de marche par une 70 beaucoup plus impressionnante
puisque les six ma-chines de la série ont accompli leurs premiers
tours de roues à Ronet.
La série 70 est une construction belge des ateliers Baume & Marpent
pour la partie mécanique. Le moteur diesel était produit par
A.B.C. (moteur Cockerill pour la 7004) et la transmission électrique
était conçue par A.C.E.C. sous licence Westinghouse. En effet,
contrairement à la majorité des locomotives de manuvre
qui suivirent en Belgique, la série 70 est une diesel - électrique
et non une diesel - hydraulique, ce dernier type étant fréquemment
identifiable par l'embiel-lage qui garnit le train de roues. La 70, plutôt
lourde, repose sur deux bogies à deux essieux dont l'empattement
de 2,60 mètres permettait de franchir des courbes de 75 mètres
de rayon. C'est une Bo'Bo' ! Le moteur de la 7001 était un mo-teur
diesel lent de facture A.B.C. à 6 cylindres en ligne développant
551 kW (750 CV) à 750 tours / minute. La trans-mission électrique
et ses quatre moteurs permettaient de développer un effort de 19
tonnes au démarrage, la puissance disponible à la jante étant
encore de 420 kW. Une génératrice entraînée par
le moteur diesel fournit le courant électrique aux moteurs de traction.
Limitée à 50 Km/h, la série 70 détenait l'avantage
de la masse avec ses 85 tonnes bien qu'elle ne mesure pas plus de 12 mètres.
Elle emportait avec elle 3500 litres de gasoil, 400 litres d'eau de refroidissement
et 440 litres d'huile de graissage.
Si tout se passe comme prévu, un autre rond-point singulier verra
le jour. Il rendra un hommage bienvenu aux nom-breux cheminots malonnois.
Certes, Ronet est à Flawinne mais le pont de Bauce est un de ses
principaux accès. Le site devrait au moins présenter un autre
aspect que celui des faïences de latrines d'un autre âge, vision
offerte aux automobi-listes arrivant à Malonne depuis Floreffe quand
ils découvrent qu'ils sont déjà à Namur.
Texte : Charles Malisoux
Photo : J.-C. Guyot
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