Le facteur n’a plus de lettre à me remettre
et pourtant, chaque matin, je l’attends sous l’auvent
Notre
sympathique facteur n’aura donc pas profité de sa retraite. Il lui restait
encore une journée de travail à prester, avant de remiser définitivement
son sac. Le destin en a décidé autrement.
Il y a une dizaine de jours, nous l’avions rencontré, chez lui, à Arbre,
pour l’interviewer pour Malonne Première. Il nous avait accueilli,
rayonnant, et nous avait longuement raconté ses joies et ses peines, au
cours de tant d’années passées à arpenter les rues et les lieux-dits de
Malonne.
Et puis, vendredi dernier, alors que Michel George travaillait dans son
jardin, un malaise subit le terrassait. Lundi, en l’église de Lesve, une
foule nombreuse d’amis lui rendait un dernier adieu.
Son récit, nous avons quand même choisi de le publier, au titre
d’hommage posthume, afin que les Malonnois gardent le souvenir de cet
homme bon, jovial et serviable qu’ils auront côtoyé si longtemps.
Michel
George est né il y a 60 ans à Bioul. « A 16 ans, j’aurais pu entrer
à la poste mais j’ai décliné l’offre car je n’osais pas sonner aux portes.
J’ai , dès lors, choisi de travailler à la carrière de Besine. »
Quelques années plus tard, il hésite entre la profession de cantonnier
ou de facteur « La poste, c’est plus propre et puis
le facteur est indépendant, une fois qu’il a sa tournée,
il est son propre maître ». C’est ainsi qu’en 1974, notre homme
a intégré la poste.
Deux ans plus tard, il arrive à Malonne. Il reprend la tournée de Marius
Ernoux, un ancien du village qui habite toujours au Curnolo. En 26 ans,
Michel fera toutes les tournées de Malonne, que de kilomètres parcourus
avec la camionnette rouge à travers chemins sinueux, culs de sacs et trous
de Malonne. Depuis 14 ans, il n’a plus changé de tournée : Champ,
Grand Babin, Piroy, Callenge, Insepré,…
Des souvenirs et des anecdotes, il en a beaucoup et il n’hésite pas à
nous les confier, car notre homme est bavard. N’est-ce pas là une qualité
pour un facteur ! Ainsi, un jour, alors qu’il est jeune facteur ,
il perd son courrier. Arrivé au sommet de la Tailles des Sarts
(sentier escarpé qui prend à droite de la rue Joseph Massart) il constate
qu’il n’a plus rien sous l’élastique de sa moto. Lui a-t-on volé le courrier ?
L’a-t-il oublié, déposé ? Il retrouvera le colis éparpillé au fond
du ravin « A ce
temps là, je savais escalader et j’ai pu le récupérer ».
Il se souvient aussi d’Irma, la femme de Léon (rue du Coin) qui lui préparait
toujours de bonnes crêpes . « Arrête-toi, Michel, j’ai déjà cassé
l’œuf ». Il faut dire qu’avant , on prenait son temps « Ils
frelataient beaucoup à Malonne, on s’arrêtait pour boire un verre chez
l’un, chez l’autre. On se retrouvait à 3 à 4 , on papotait autour d’un
verre ; Marius s’en souvient aussi. Quand on rentrait un peu trop
tard, Madame Istasse employée à la poste nous aidait à faire nos comptes ».
Il arrive souvent au facteur de donner un coup de main pendant sa tournée,
monter le charbon, aller chez le pharmacien. D’autres fois, il échange
les poireaux de son jardin avec ceux de Malonne ; il discute pigeons
avec ceux qui, comme lui, sont des fervents colombophiles. Notre homme
est aussi un blagueur. « A Malonne il y a les vrais socialistes
et les calotins. Aux élections, je déposais dans la boîte des uns un peu
trop de tracts des autres et vice versa, ça les faisait tous râler ! ».
Michel George n’a jamais été attaqué pendant sa tournée mais il a connu
deux agressions, toutes les 2 à l’ancienne poste de Malonne. Il y avait
un porche où pouvaient se cacher les agresseurs. Jusqu’au début des années
90 , la poste se trouvait à Malonne Fond, un vieux bâtiment en pierre
en face de Saint-Berthuin. En général, il y avait une très bonne ambiance
à cette ancienne poste. Le courrier de Malonne était trié au lever du
jour, à Malonne, par les 6, 7 facteurs de l’entité. Maintenant tout se
fait à Namur (regret). « Il y avait Gégé (Roger Louis) qui
faisait des discours debout sur les tables. Il y avait le facteur aux
pieds qui puent qu’il fallait laver à la fontaine de Saint Berthuin, sous
le regard étonné des premiers navetteurs . »
Et ces dernières années ?
Michel
George raconte sa journée de facteur. « A 4 heures je suis debout
et commence à la poste de Namur 50 minutes plus tard. A 5 h.15 je reçois
ma tournée et la trie : grandes pièces, petites pièces, par rues,
par numéros. J’attends les recommandés et les fonds. Puis je fais mes
charges et prends également celles des collègues qui ne sont pas motorisés.
Vers 7h30 , je pars vers Malonne et dépose les différentes charges.
Ma tournée commence un peu après 8h. Elle comprend environ 300 maisons,
ce nombre a bien augmenté en peu de temps. A 12h35 (c’est précis !)
c’est la fin officielle de la tournée.
Je remets les recommandés et les comptes à la poste de Namur. Ma
journée de travail se termine à 13h15.
En 26 ans,l’ambiance a changé, commente Michel George. En 1976, Malonne
était beaucoup plus campagnard, plus convivial et plus jovial. « On
prenait le temps de s’asseoir, de papoter. Le jour des pensions on entrait
chez les gens, on les saluait et on recevait la dringuelle. Maintenant,
les maisons se vident le matin et beaucoup de personnes utilisent des
compte plutôt que le facteur. »
Mais notre homme ne se plaint pas. « Il reste des gens sympathiques
dans nos quartiers ; suivant mes estimations, il y a 90% de braves
et 10% de grincheux. Je m’arrête encore chez des vieux copains, ceux qui
restent à la maison tous les matins. Il y a aussi les mésanges qui font
leur nid ; chaque année cela arrive dans trois ou quatre boites aux lettres.
Je reçois des coups de fil lorsque je suis malade et des cartes de bons
vœux à la fin de l’année. »
Michel Georges n’aura pas pu consacrer sa retraite à sa
femme, ses enfants et petits enfants qu’il chérissait tant, à sa maison
et son jardin de Besine, sans oublier les pigeons. Il est parti pour le
grand voyage. Au revoir et merci, facteur, Malonne se souviendra de vous
longtemps.
Texte
et photos : Claire & Valentine PACCO
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