Un
autre jour ils n'y auraient pas prêté attention, accoutumés
depuis longtemps à ce paysage de fin du monde. Seulement voilà
: quelques heures plus tôt, alors qu'ils fouillaient les caves d'une
ruine plus importante et mieux conservée que les autres, le bâton
de Xela avait donné sur quelque chose qui avait répondu par
un bruit sourd. Intrigués, les deux amis, après quelques efforts,
avaient dégagé une grande caisse en bois, dont le cadenas
n'avait pas résisté longtemps à leur excitation curieuse.
Sitôt le lourd couvercle ouvert, ils avaient déchanté
: au premier regard on pouvait voir que ce coffre ne contenait rien d'intéressant
pour un homme du 31ème siècle : pas de victuailles, bien sûr,
mais pas non plus le plus petit ustensile dont on eût pu faire une
arme quelconque
Des papiers, rien que des papiers : une fois le coffre vide, le sol en était
jonché. Les compères allaient repartir, quand le regard de
Xela s'arrêta sur un livre plus gros que les autres : il l'ouvrit,
et interloqué, lut (car il savait lire, lui) : " Malonne, 29
septembre 2001, Fête au Village ". - Ca alors, dit-il à
Lehcim, regarde ça ! Quelle coïncidence, juste mille ans, tu
te rends compte.
Ils commencèrent à feuilleter les pages jaunies où
avaient été soigneusement rassemblées des photos sur
lesquelles on pouvait voir des scènes d'un autre temps : des enfants
qui jouent, des jeunes qui s'affairent sur de drôles d'instruments,
un rassemblement hétéroclite de gens apparemment très
heureux d'être là. Mais ce qui frappait surtout les deux hommes,
c'était la dominante que l'on retrouvait sur chaque page : partout
des visages heureux, des éclats de rires, des enfants au regard pétillant.
Oh bien sûr, ils ne comprenaient pas tout : quels étaient ces
animaux sur lesquels étaient juchés des enfants, que voulaient
dire ces tables remplies de victuailles, ces gens dans des accoutrements
bizarres. Et puis, pourquoi riaient-ils tous comme çà dans
cette grande tente ?
- Incroyable que tout ceci soit si bien conservé, avait seulement
conclu Xela avant de refermer le précieux document.
- Tu te rappelles les histoires que les anciens racontent aux enfants ?
Tu crois que ce ne serait pas des légendes ? avait seulement répondu
Lehcim, qui se moquait bien de savoir comment de telles photos avaient résisté
à l'usure du temps.
Xela avait soigneusement protégé l'album dans de vieux chiffons,
et les deux hommes avaient entamé le chemin du retour : rien à
manger, mais de quoi nourrir de longues discussions.
Ils marchaient donc, des images plein la tête. Sans y prêter
plus attention, ils traversèrent le petit ruisseau, continuèrent
à descendre la vallée. Alors qu'ils traversaient une grande
esplanade pavée, vestige d'ils ne savaient trop quel bâtiment,
Xela vint buter contre quelque petite pierre et s'affala de ses nonante
kilos ! Lehcim ne put s'empêcher d'éclater de rire, mais comme
Xela se retournait pour chercher ce qui avait causé sa chute, ils
eurent ensemble une révélation : le pied de Xela avait heurté
un petit crampon fixé dans le sol. Mais quand on y regardait bien,
on remarquait très distinctement toute une série de fixations
semblables, qui formaient très nettement un grand rectangle dans
cette cour.
Ils eurent ensemble la même idée, et Xela se précipita
sur les précieuses archives :
- La tente, sur les photos on voit qu'elle est accrochée au sol
En effet la photo était là, devant eux, expliquant - peut-être
- le pourquoi de ces petits crampons qui les raccrochaient à mille
ans d'histoire.
Ils ne purent s'empêcher de regarder plus en détail les deux
grandes pages pliées à la fin du document : Malonne, 29 septembre
2001, Fête au Village . PROGRAMME.
- Fin septembre 2001, dit encore Lehcim. Il y a exactement mille ans. Pourquoi
pas nous ?
Comme Xela et Lehcim, vous êtes impatient de savoir ce que le comité
de la Fête au Village vous a concocté pour cette édition
2001 : l'odyssée de Malonne dans le futur ?
Alors ne manquez pas le prochain numéro de votre journal préféré
Michel Gofflot